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donné la nature humaine pour principe, disant que la nature a créé les uns pour commander, les autres pour obéir. Cicéron était de cet avis, lorsqu’il écrivait ces mots : Cum autem hi famulantur qui sibi moderari nequeunt, nulla injuria est[1]. Il n’y a pas d’injustice à ce que ceux-là servent, qui ne savent pas se gouverner. » Dans son admirable traité des Offices, chef-d’œuvre de la morale antique, il rapporte, sans commentaire, les controverses et les cas de conscience proposés par un philosophe nommé Hécaton : « Un maître, en temps de famine, est-il obligé de nourrir ses esclaves ? L’économie dit non, l’humanité dit oui…… Hécaton dit non. » — On est sur une petite barque, au milieu de la mer, avec un mauvais esclave et un bon cheval : une tempête s’élève, lequel des deux faut-il jeter à la mer ? L’humanité donne un conseil, l’économie un autre[2]. Hécaton ne se prononce pas, ni Cicéron non plus ! Voilà pour les philosophes de la plus belle époque romaine.

Vous croyez peut-être que le temps aura modifié des opinions si dures. Arrivons à Libanius et lisons son discours sur l’esclavage. Attendez-vous qu’il va répéter les gémissements des chrétiens ? il n’en est rien, il n’a garde de déserter ces autres traditions du monde païen : il soutient que l’esclavage est le mal commun de tous les mortels ; tous les hommes sont esclaves ou de leurs passions, ou de leurs affaires, ou de leur devoir : le paysan est esclave du vent et de la pluie ; le professeur, de

  1. Cic, cité par Nonius au mot famulantur. De Rep., l. III. c. xxv.
  2. Cic., de Officiis. l. III, c. xxiii.