Un second vice du paganisme, c’est de maintenir cette souveraineté absolue de l’État, non pas seulement sur les biens, sur la vie, mais sur les âmes, sur les consciences ; c’est de rester fidèle à cet ancien principe suivant lequel, Rome étant divinisée, toutes ses volontés étaient divines, légitimes, et ses lois ne trouvaient pas de résistance dans la volonté humaine, personne ne pouvant avoir raison contre les dieux. Seulement un grand changement se fait : ce génie, qui résidait au Capitole, inconnu et mystérieux, on sait aujourd’hui son nom, il s’appelle quelquefois Tibère, quelquefois Néron, quelquefois Héliogabale ; on sait son nom et on le connaît à ses œuvres. L’empire est une idolâtrie dont l’empereur est le prêtre et le dieu : on lui érige des autels de son vivant ; il envoie partout ses images, et on accourt au-devant d’elles avec la lumière et l’encens ; et des milliers de chrétiens mourront pour n’avoir pas voulu faire fumer, au pied de ses statues, quelques grains de parfums. L’empereur est donc bien un dieu, de son vivant comme après sa mort, dieu qui ordonne, dieu qui veut le lendemain le contraire de ce qu’il avait voulu la veille ; sa tyrannie est d’autant plus intolérable qu’elle s’exerce sur les choses morales et n’admet pas qu’on puisse avoir d’autre volonté que la sienne ; il déclare aux chrétiens, par l’organe de ses jurisconsultes, qu’il ne leur est pas permis d’être : non licet esse vos. Cette volonté écrasait aussi le droit de l’État, car le prince se trouve placé au-dessus des lois et déclaré par les jurisconsultes : princeps legibus solutus ;