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nous voyons que tous ces jurisconsultes, dont Valentinien a canonisé les écrits, reconnaissent encore, bien loin derrière eux, mais comme permanente et souveraine, l’antique loi des Douze Tables. Ils la citent, ils la commentent, ils l’éludent souvent, mais alors même lui rendent hommage, car ils se refusent à la méconnaître et à la violer ; jamais ils n’ont osé abjurer cette loi gravée sur le bronze par la main de fer des décemvirs ; elle est pour eux comme le véritable maître à la verge duquel on s’efforce en vain d’échapper. Retraçons, en peu de mots, non ses dispositions, mais son caractère.

Ce vieux droit païen, théocratique, dont les jurisconsultes n’osaient pas encore méconnaître l’autorité tant de fois séculaire, est un livre à moitié scellé, un recueil de traditions, de formules sacramentelles, de rites sacrés qui enveloppent le droit sous la même forme dont on voile un culte ; c’est un ensemble de mystères dont les patriciens seuls ont le secret : postérité des dieux, eux seuls peuvent connaître et déclarer droit (jus, fas, ce qui est permis, fatum le droit, la volonté divine). Le droit primitif, c’est en effet la véritable religion de Rome qui n’en connaît pas d’autre. Le premier acte de cette religion fut de diviniser Rome elle-même. Rome n’était pas seulement un temple, le séjour d’un génie inconnu qui avait ses autels et dont les initiés seuls savaient le nom. Rome était une grande déesse à laquelle on élevait des autels : elle en eut dans sa propre enceinte, elle en eut chez les peuples