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sages, mais en l’honneur de la lumière éternelle dont il est écrit : « Votre Verbe, Seigneur, sera le flambeau de ma route et la lumière de nos sentiers[1]. »

Saint Jérôme résumait, sur ce point, toute la politique de l’Église, celle qui acheva la conversion du monde romain, comme celle qui commença la civilisation des barbares. Deux siècles plus tard, quand les Anglo-Saxons se pressaient en foule au baptême et ne demandaient qu’à brûler leurs temples, le pape saint Grégoire le Grand modérait cette ardeur ; il écrivait à ses missionnaires de détruire les idoles, mais de conserver les temples, de les purifier, de les consacrer ; de sorte qu’après avoir confessé le vrai Dieu, le peuple se réunît plus volontiers pour le servir dans des lieux déjà connus. Il conseillait aussi de remplacer les orgies du paganisme par des banquets honnêtes, espérant que si l’on permettait à ces pauvres gens quelques joies extérieures, ils pourraient s’élever plus facilement aux consolations de l’esprit[2]. Les ennemis de l’Église romaine ont triomphé de ces textes ; il y ont vu l’abomination introduite dans le lieu saint. J’y admire, au contraire, une religion qui a pénétré jusqu’au fond de l’homme, qui sait quels combats nécessaires elle lui demandera contre ses passions, et qui ne veut pas lui imposer des sacrifices inutiles. C’est là connaître la nature humaine, c’est l’aimer, on ne la gagne qu’à ce prix.

  1. Marangoni, p. 378. Prudence, Peri-Stephanon, hymn. sanctæ Eulaliæ. S. Jérôme, contra Vigilantium.
  2. Saint Grégoire, lib. XI, epist . 76.