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Si le peuple tenait à ces portiques superbes sous lesquels avaient prié ses pères, il était plus difficile encore de lui ôter les fêtes qui interrompaient la sévérité du travail et l’ennui de la vie. Au lieu de les retrancher, le christianisme les sanctifia. Dès la fin du quatrième siècle, les solennités des martyrs succédaient à celles des faux dieux. Les évêques souffrirent qu’une joie chaste vînt se mêler à la gravité de ces pèlerinages : on y permit des agapes fraternelles, on y transporta les foires qui avaient attiré la foule aux fêtes de Bacchus et de Jupiter. Cependant la persévérance du clergé ne réussit pas à déplacer les jours consacrés par la coutume ; il fallut que le cycle de l’année chrétienne s’accommodât sur plusieurs points au calendrier païen. Ainsi, selon le témoignage de Bède, la procession de la Chandeleur fit oublier les Lupercales ; les Ambarvales ne disparurent que devant la pompe rustique des Rogations. Les paysans d’Enna, en Sicile, ne pouvaient se détacher des réjouissances qu’ils célébraient en l’honneur de Cérès après la moisson ; la fête de la Visitation fut retardée pour eux, et ils offrirent aux autels du Christ les épis mûrs dont ils avaient couronné leurs idoles.[1].


    lesche e profane trasportate ad uso ed ornamento delle chiese, p. 256, 276, 282. Beugnot, Histoire de la chute du paganisme en Occident.

  1. Théodoret, cité par Baronius, ad ann. 44, 87. S. Augustin, Epist. 29. S. Grégoire de Nysse, in Vita S. Gregorii Thaumaturgi. Les conciles se hâtèrent de réprimer les désordres qui s’introduisirent dans ces nouvelles fêtes. Concilium Carthagin., III, can. 50 ; Tolet., III, cap. xxviii. Marangoni, p. 282.