Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prolonger en Orient jusqu’au décret de Justinien qui ferma l’école d’Athènes. En Occident, Ammien, Claudien, Rutilius Numatianus injuriaient impunément la religion nouvelle, ses saints et ses moines. Le vieux culte se retranchait derrière toute l’antiquité : il cherchait à retenir les esprits par tout ce qui les touche, en mettant de son côté la subtilité des interprétations philosophiques, la majesté des institutions, le charme des fables. En même temps, il déchaînait contre l’Évangile tous les intérêts et toutes les passions. Ce qu’on reprochait au christianisme, c’était, comme toujours, la haine du genre humain, c’est-à-dire le mépris du monde, la fuite des plaisirs publics ; c’était l’incompatibilité de ses lois avec les maximes et les mœurs qui firent la grandeur romaine. De là les calamités de l’empire, les frontières livrées aux barbares par les dieux irrités, et le ciel même retenant ses pluies à cause des chrétiens : Pluvia desit, causa christiani[1].

Les apologistes chrétiens répondaient avec une équité et une vigueur incomparables : premièrement ils refusaient de condamner toute la civilisation antique : ils faisaient la part du vrai dans les doctrines des philosophes, du bien dans les lois romaines, et nous verrons par quel discernement, tout en réprouvant les fables, ils sauvèrent les lettres. Ils rendaient donc justice à l’esprit humain, et lui apprenaient à reconnaître au fond de lui-même un rayon de Dieu. Après avoir ainsi

  1. Symmaque, epist. 16 ; S. Augustin, de Civit. Dei, lib. I, cap. 1 et seqq.