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ments Elle sait que notre mollesse trouve toujours plus graves les maux du présent et que notre orgueil même est flatté de surpasser les infortunes de nos pères. Elle sait aussi que les civilisations ne périssent ni par les passions, qui sont corrigibles, ni par les institutions, qui sont remédiables, mais par les doctrines, qu’une logique inflexible pousse tôt ou tard à leurs dernières conséquences. Voilà où l’histoire découvre, en faveur du temps présent, une différence capable de rassurer les plus timides. Ce n’est pas le christianisme de nos jours qui distingue, comme les philosophes païens, entre la religion des sages et la religion du peuple, fondant la paix du monde sur des mensonges nécessaires. Ce n’est pas le christianisme qui, introduisant comme Plotin un principe panthéiste, divinise la matière, et aboutit à consacrer le matérialisme politique, le gouvernement des peuples par l’intérêt et le plaisir, panem et circenses. Surtout ce n’est pas le christianisme qui professe, comme Symmaque, le doute et l’indifférence sur ces terribles questions de Dieu, de l’âme, de la vie future. Tant que ces questions trouvent une réponse donnée avec une souveraine autorité, et en même temps souverainement raisonnable, rien n’est perdu : les vérités éternelles ne laissent pas tomber les sociétés du temps qui sont leur ouvrage, et l’invisible soutient cette civilisation visible où il s’est révélé.