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blique, et demanda le rétablissement de l’autel de la Victoire. L’autel de la Victoire s’élevait au milieu du sénat, il en faisait un temple, il rappelait le vieux droit théocratique et l’antique alliance de Rome avec ses dieux. Les empereurs chrétiens l’avaient enlevé comme un monument de scandale, les sénateurs païens déclaraient ne pouvoir plus délibérer dans un lieu profané, sans les auspices de la divinité qui depuis douze cents ans sauvait l’empire. Symmaque, chargé d’exprimer leurs plaintes, trouvait l’occasion de montrer tout ce que l’âme d’un idolâtre pouvait conserver de foi. Cependant, au fond de cette requête éloquente, on ne découvre que le scepticisme. En présence des dissentiments religieux qui partagent ses contemporains, les regards de l’orateur se troublent, et toute certitude lui échappe. « Chacun a ses coutumes, dit-il, chacun ses rites… Il est juste de reconnaître, sous tant d’adorations différentes, une seule divinité. Nous contemplons les mêmes astres, le même ciel nous est commun, le même monde nous enferme. Qu’importe de quelle manière chacun cherche la vérité ? Une seule voie ne peut suffire pour arriver à ce grand secret… Mais de telles disputes sont bonnes pour les oisifs[1]. »

Ainsi se révèle la plaie cachée du paganisme. Les efforts de la philosophie, pour raffermir la croyance, n’avaient abouti qu’au doute en déclarant la vérité inaccessible. Mais les esprits, trop énervés pour croire,

  1. Villemain, Tableau de l’éloquence chrétienne au quatrième siècle, Symmaque, lib. X, epist. 61.