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doivent le remplir : les démons, les astres, enfin les hommes, les animaux, les plantes et les corps que nous jugeons inanimés. Mais rien ne demeure inanimé dans la nature : tout vit et tout pense d’une seule vie et d’une seule pensée. Car dans ce nombre infini de productions, les néoplatoniciens ne voient que l’écoulement de la substance divine, qui se communique sans s’appauvrir. Ainsi le soleil ne s’appauvrit pas en versant sa lumière, ni la source en alimentant le fleuve. Bien plus, le fleuve ici remonte à sa source, et tout l’univers n’aspire qu’à rentrer dans l’unité d’où il sort[1].

Les âmes humaines n’ont pas d’autres destinées. Contenues d’abord dans l’âme divine, elles y vivaient de la vie des esprits purs, quand, découvrant au-dessous d’elles le monde de la matière, elles ont convoité de s’y faire une condition indépendante. Alors, détachées de la divinité, elles tombent, elles viennent habiter des corps formés à leur image. Ainsi la vie humaine est une chute, l’âme peut s’en repentir, s’en relever, et passer après la mort dans une région plus haute. Mais trop souvent l’âme finit par se complaire dans son exil, elle s’abandonne aux sens, et n’arrive à la mort que pour tomber plus bas, pour animer les corps des bêtes et des plantes dont elle imita la vie charnelle et stupide. Ainsi, à mesure qu’elle s’enfonce dans le mal, l’âme descend plus profondément dans la matière, jusqu’à ce que, par un effort suprême, elle s’arrache à cette fange

  1. Plotin, Ennéade IV, lib. IV, cap. 56 ; ibid., lib. III, cap. 9, etc. ; Jules Simon, Histoire de l’école d’Alexandrie, t. I, p. 342.