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Au milieu d’une société qu’épouvantaient les premiers désastres de l’empire, et qui sentait déjà les choses humaines lui échapper, Plotin invitait les hommes à se réfugier vers Dieu. Il disait, et saint Augustin loue cette parole, « qu’il fallait fuir vers la patrie des âmes, où réside le Père, et avec lui tous les biens. » Aucun effort ne lui coûtait quand le but était si haut ; et comme les géants entassaient les montagnes pour escalader le ciel, ainsi, pour atteindre à la connaissance de Dieu, Plotin entreprenait de réunir et de superposer en quelque sorte les trois grandes doctrines de Zénon, d’Aristote et de Platon. Avec Zénon, il donnait au monde une Âme qui en faisait un seul être vivant. Avec Aristote, il plaçait au-dessus du monde une Intelligence qui n’avait d’autre fonction que de se penser, elle-même. Comme Platon, il mettait au faîte de toutes choses un principe indivisible, qu’il appelait l’Un ou le Bien. Mais, après l’avoir ainsi nommé, il le déclarait indéfinissable, et le voilait au regard des hommes. L’Un, l’Intelligence, l’Âme, ne sont pourtant pas trois dieux, mais trois hypostases d’un même Dieu qui sort de son unité pour penser et pour agir[1].

Comme les trois hypostases se produisent dans l’éternité, ainsi l’âme du monde engendre dans le temps. Elle engendre d’abord l’espace, puis tous les êtres qui

  1. S. Augustin, de Civit. Dei, lib. IX, 17 ; Porphyre, de Vita Plotini, cap. 14 ; Plotin, Ennéade I, lib. VI, cap. 8 ; Ennéade III, lib. V, cap. 4, etc. ; Ravaisson, Essai sur la métaphysique d’Aristote, t. II,  p. 381.