enivrée, haletante, poursuivait de longs cris les chars qui emportaient sa faveur ou sa disgrâce, qu’elle se divisait en factions furieuses et finissait par en venir aux mains, alors les dieux étaient contents, et Romulus reconnaissait son peuple. Ce peuple, cependant, avait perdu l’empire du monde, il s’était racheté à prix d’or ; mais il oubliait tout au cirque ; il y trouvait, selon l’expression d’un ancien, son temple, son forum, sa patrie et le terme de toutes ses espérances. Le calendrier de 448 compte encore cinquante-huit jours de jeux publics, cinquante-huit jours dans ces années menaçantes où Genséric et Attila tout armés n’attendaient plus que l’heure de Dieu[1].
Le théâtre appartenait à Vénus. Lorsque Pompée remplaça par des gradins de marbre les tréteaux de bois où s’étaient assis les vieux Romains, il dédia son édifice à la déesse dont l’attrait puissant remuait toute la nature. Le théâtre donc était encore un temple : au milieu s’élevait l’autel couronné de guirlandes ; c’est là qu’on jouait en l’honneur des dieux ces fables où les dieux eux-mêmes paraissaient pour donner l’exemple des derniers désordres. C’est là que les mimes, c’est-à-dire des adolescents flétris dès l’enfance, figuraient, sans le secours de la parole, par la seule illusion du costume, de l’attitude et du geste, les amours de Jupiter ou les fureurs de Pasiphaé. Mais le sens prosaïque des Romains se prêtait mal au plaisir de l’illusion dra-
- ↑ Tertullien, de Spectaculis, 7, 16 ; Ammien Marcellin, XIV, 26 ; Polem. Sylv., Laterculus.