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pendant il les fuit, il en évite même la pensée ; et cette peur qui l’éloigne de sa fin dernière est l’origine de tous ses égarements. Au premier aspect, le paganisme ne semble qu’une religion de terreur : en défigurant l’idée de Dieu, il n’avait réussi qu’à la rendre plus obscure, plus menaçante, plus accablante pour l’imagination des hommes. La nature, qu’il proposait à leurs adorations, leur apparaissait comme une force aveugle, sans autre loi que ses redoutables caprices qui faisaient éclater la foudre ou trembler la terre, et qui se révélaient dans les phénomènes volcaniques de la campagne romaine. On croirait qu’au milieu des trente mille dieux dont il avait peuplé le monde, le Romain aurait dû se trouver rassuré et confiant ; on le voit, au contraire, plein d’inquiétude. Ovide représente les paysans rassemblés devant la statue de Palès, et voici la prière qu’il leur prête : « Ô déesse ! apaise pour nous les fontaines et les divinités des fontaines ; apaise les dieux dispersés dans les profondeurs de la forêt. Puissions-nous ne rencontrer jamais ni les dryades, ni Diane surprise au bain, ni Faune, lorsque, vers l’heure de midi, il foule l’herbe de nos champs[1] ! » Si les paysans latins, les moins timides des hommes, craignaient de rencontrer les nymphes des bois, je ne m’étonne plus qu’ils aient adoré la Fièvre et la Peur. Ce sentiment d’épouvante pénétrait tout le culte païen : de là tant de rites sinistres, et tout cet appareil en présence

  1. Ovide, Fast., IV, 747 et suiv.