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Le principe malfaisant du paganisme travaillait d’un côté à éteindre dans l’homme la raison, en la séparant de la vérité souveraine dont elle emprunte ses clartés. Tandis que tout l’effort de la religion devait être d’arracher l’esprit humain aux distractions des sens, de lui donner l’essor et de lever devant lui tous les voiles qui lui dérobent le monde intelligible, le paganisme, au contraire, le détourna de la région des idées, en promettant de lui faire trouver Dieu dans la région des sens. D’abord il le lui montra dans la matière même dont il divinisait les forces cachées : les Romains adorèrent les eaux des fontaines, ils honoraient des pierres, des serpents et tous les fétiches accoutumés des barbares. Jusqu’ici, du moins, l’homme adorait une puissance inconnue et qu’il croyait plus grande que lui. Sa seconde et plus coupable erreur fut de s’adorer lui-même, et, quand il se connaissait faible et mauvais, d’avoir divinisé l’humanité. Les prêtres du paganisme, ses sculpteurs et ses poëtes, prêtèrent à la nature divine les traits de l’homme et par conséquent ses faiblesses. De là ces fables qui mettaient dans le ciel les passions de la terre ; de là l’idolâtrie, dont on ne connaît pas assez tous les délires. Ce n’est pas, comme on l’a dit souvent, l’assertion calomnieuse des apologistes chrétiens, c’est l’aveu des sages du polythéisme, que les idoles furent considérées comme des corps où les puissances supérieures descendaient quand elles y étaient invitées selon les rites requis. On croyait les y retenir par la fumée des victimes ; elles se nourrissaient de la graisse dont