Les sacrifices expiatoires pour les ancêtres se transmettaient de père en fils, comme une charge de l’héritage ; le pouvoir de ces cérémonies devait se faire sentir aux enfers, presser la délivrance des âmes qui s’y purifiaient de leurs souillures, et hâter le jour où elles viendraient, divinités protectrices, résider au foyer domestique[1]. Toute la liturgie funèbre témoignait donc d’une foi antique à la vie future, à la réversibilité des mérites, à la solidarité qui constitue les familles. La pensée de Dieu et le souvenir des morts étaient comme deux rayons que la philosophie n’avait point allumés, venus de plus haut, et capables, après tant de siècles, de guider encore un petit nombre d’âmes droites au milieu des ténèbres païennes. On s’explique ainsi l’opiniâtreté de quelques esprits honnêtes et timides qu’on voit résister au christianisme, et qui répondent comme Longinien aux sollicitations de saint Augustin : « Qu’ils espèrent arriver à Dieu par le chemin des anciennes observances et des anciennes vertus[2]. »
Mais ce petit nombre de gens de bien jugeaient mal le culte dont ils défendaient les derniers autels. S’il y avait des traditions bienfaisantes dans le paganisme, elles y étaient comme les éléments dans le chaos. À côté des doctrines destinées à soutenir la vie des intelligences et des sociétés, on y aperçoit le travail d’un principe qui pousse la personne humaine et la civilisation à leur ruine.