Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.

détruire le monde pour le renouveler. Plus bas les âmes émanées des dieux, mais déchues, condamnées à expier, d’abord sur la terre, ensuite aux enfers, jusqu’à ce qu’elles devinssent dignes de retourner à leur premier séjour. De là, entre le monde visible et le monde invisible, un étroit commerce entretenu par les augures, les sacrifices et le culte des mânes. En communication avec le ciel et les enfers, Rome était un temple ; elle en avait la forme carrée, orientée selon les rites antiques. Chaque maison patricienne était un temple, où les images des aïeux, assises à la place d’honneur, veillaient sur la fortune de leurs descendants. Les lois de la cité, consacrées par les auspices, devenaient des oracles ; les magistratures, des sacerdoces ; tous les actes considérables de la vie, des actes religieux. Un peuple ainsi pénétré de la pensée des dieux et des ancêtres, assuré de délibérer et de combattre sous leurs yeux, ne pouvait rien entreprendre que de grand. Ces doctrines obscures mais puissantes avaient discipliné les anciens Romains ; elles soutenaient tout l’édifice du droit public, à peu près comme les égouts de Tarquin, ces voûtes sombres, mais colossales, avaient assaini le sol de Rome et soutenaient le poids de ses monuments[1]

Sans doute la mythologie grecque était venue altérer l’austérité de ces premières croyances. Mais elle était venue aux plus beaux siècles de la république. Alors commençait à se montrer cette hardie politique de

  1. Ottfried Müller, Die Etrusker ; Creuzer, Religions de l’antiquité, traduction de M. Guigniaut ; Cicéron, de Legibus, ii, 8, 12.