superstitions populaires, les sciences occultes, les lois de sang rendues contre la magie et qui ne font que répéter les anciens décrets des Césars ; la fiscalité des rois mérovingiens, toute empruntée à l’administration impériale ; enfin la corruption du goût et la décomposition de la langue, qui laisse déjà prévoir la diversité des idiomes nouveaux. En effet, au-dessous de cette civilisation commune destinée à réunir en une seule famille tous les peuples d’Occident, on voit percer pour ainsi dire le caractère national de chacun d’eux. Dans chacune de ces provinces où la conquête l’a porté, le latin trouve des dialectes opiniâtres, et le génie de Rome des mœurs qui lui résistent. Déjà se reconnaissent les caractères distinctifs des trois grandes nations néolatines. L’Italie a les hommes d’État : Symmaque, Léon le Grand comme elle aura plus tard Grégoire le Grand, Grégoire VII, Innocent III. L’Espagne revendique le plus grand nombre des poëtes, elle leur donne cette verve dont le flot ne tarit pas, depuis Lucain jusqu’à Lope de Vega ; la Psychomachie de Prudence prélude aux drames allégoriques, aux autos sacramentales de Calderon. Enfin la Gaule est la patrie des beaux esprits, des hommes exercés dans l’art de bien dire : nous connaissons l’éloquence de Salvien, les jeux de parole où se complaisait Sidoine Apollinaire ; mais nous verrons ce lettré de la décadence retrouver tout l’héroïsme des anciens jours, quand il faudra défendre sa ville épiscopale de Clermont assiégée par les Visigoths : ce sont bien là les deux traits dont Caton marqua le caractère des Gaulois, et qui ne
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