Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.

opiniâtre dans les passions de la barbarie. L’Évangile devait mettre plus de douze cents ans à dompter la violence des vainqueurs, à réformer les mauvais instincts de leur race, et à ramener ces clartés de l’esprit, cette douceur du commerce de la vie, cette tolérance envers les égarés, ces vertus enfin qui prêtent à la société du cinquième siècle le prestige des mœurs modernes.

Mais la conquête religieuse n’était pas finie, tant que les lettres résistaient, et dans ce siècle qui vit tomber tant d’autels, celui des Muses restait environné d’adorateurs. Cependant le christianisme se gardait bien de condamner le culte du beau, il honorait les arts qui faisaient l’honneur de l’esprit humain ; et, de toutes les persécutions, la plus détestée fut celle de Julien, quand cet apostat interdit aux fidèles l’étude des lettres classiques. L’histoire littéraire n’a pas de moment plus instructif que celui où l’école, pour ainsi dire, entra dans l’Église avec ses traditions et ses textes profanes. Ces Pères, dont nous admirons l’austérité chrétienne, sont passionnés pour l’antiquité, ils la couvrent eux-mêmes de leur manteau, ils la protègent et lui assurent le respect des siècles suivants. C’est par leur faveur que Virgile traversera des âges de fer sans perdre une page de ses poëmes, et viendra avec sa quatrième églogue prendre rang parmi les prophètes et les sibylles. Saint Augustin aurait trouvé les païens moins coupables, si, au lieu d’un temple à Cybèle, ils eussent élevé un sanctuaire à Platon pour y lire publiquement ses œuvres.