Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un moment, d’un effort du cœur ; et nous soupirâmes en y laissant comme attachées les prémices de nos âmes, et nous redescendîmes dans le bruit de la voix, là où la parole commence et finit !… » J’abrége à regret cette page incomparable. Heureux, messieurs, ceux qui un jour ont eu avec leur mère un pareil entretien, qui ont cherché, qui ont trouvé Dieu avec elle, et qui depuis ne l’ont point perdu !

Toute la métaphysique de saint Augustin est en germe dans ce peu de paroles. Il y introduit ce qui fait la nouveauté de sa doctrine, comparée à celles d’Aristote et de Platon, je veux dire la notion de la toute-puissance divine, que l’antiquité n’avait pas assez connue, qu’elle avait contredite, en supposant une matière éternelle, en n’accordant pas à l’ouvrier souverain le pouvoir de produire l’argile qu’elle lui permettait de pétrir. Toute l’antiquité avait vécu sur un axiome équivoque : Ex nihilo nihil. Pour établir contre une telle autorité le dogme de la création, saint Augustin ne trouve pas que ce soit trop de remuer toute la nature, et de remonter à Dieu par l’idée du beau dans son livre de Musica, 1, par l’idée du bien dans son traité de Libero Arbitrio, par l’idée du vrai dans le traité de Vera Religione. Mon savant ami, M. l’abbé Maret[1], a mis en lumière ce prodigieux travail poursuivi à travers les controverses théologiques, au milieu d’un peuple qu’il fallait instruire et gouverner en présence des donatistes et à

  1. Théodicée chrétienne, p. 155.