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la doctrine du paganisme de diviniser la cité, de faire l’apothéose du pouvoir public, de le rendre souverain des consciences, en sorte qu’il n’y eût contre lui ni justice ni recours. L’empereur avait hérité de ce droit divin sur les biens, sur les personnes, sur les âmes. Il était au-dessus des lois, puisque sa volonté faisait loi. Comme dépositaire de la puissance militaire (imperium), il était maître de toutes les vies ; comme substitué aux droits du peuple romain, il était rigoureusement le seul propriétaire du sol des provinces, dont les habitants ne conservaient que la possession précaire. Quoi d’étonnant si on les épuisait, si on les torturait pour en tirer l’impôt ? Ainsi les persécutions n’avaient pas eu de fureurs, le fisc n’avait pas d’exactions qui ne trouvassent des principes pour les autoriser, des légistes pour les servir. L’iniquité établie dans le droit public était descendue dans le droit civil. Le père, représentant de Jupiter, entouré de ses dieux lares, des images de ses ancêtres qui lui prêtaient leur majesté, exerçait le droit de vie et de mort, jugeait sa femme, exposait ses enfants, crucifiait ses esclaves. Les sages eux-mêmes admiraient cette constitution de la famille romaine, ce pouvoir sacerdotal et militaire installé auprès de chaque foyer, cet empire domestique à l’exemple duquel s’était formé l’empire du monde.

Cependant les violences de l’autorité avaient provoqué le réveil de la liberté. La conscience humaine, forcée dans ses derniers refuges, avait commencé une résistance mémorable, opposant au droit civil le droit