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Christ, en lui consacrant les temples et les fêtes, les fleurs et les parfums prodigués aux faux dieux. L’hérétique Vigilance se scandalisa d’une conduite si sage. Mais saint Jérôme se charge de la justifier, et nous reconnaîtrons dans sa réponse le commencement de cette politique miséricordieuse qui inspirera les instructions de saint Grégoire le Grand aux missionnaires d’Angleterre, et qui leur conseillera de laisser à ces nouveaux chrétiens « leurs fêtes rustiques, leurs banquets innocents et leurs joies temporelles, afin qu’ils goûtent plus volontiers les consolations de l’esprit. » Ainsi toute la lutte de l’Église contre le polythéisme romain n’est que l’apprentissage de l’autre combat qu’elle doit livrer au paganisme des barbares ; et, dans ses derniers efforts pour achever la conversion de l’ancien monde, nous voyons déjà ce qu’elle portera de génie et de patience à l’éducation des peuples nouveaux.

Cette préparation de l’avenir au milieu des ruines du passé, ce partage de l’élément périssable et du principe immortel, ce contraste qu’on trouve dans la religion devient bien plus manifeste dans le droit, quand, au cinquième siècle, les empereurs entreprennent d’y mettre ordre, d’une part, en donnant force de loi aux écrits des anciens jurisconsultes ; de l’autre, en réunissant dans un seul code les décisions des princes chrétiens. Les jurisconsultes des temps classiques n’avaient jamais abjuré le droit des Douze Tables, et tous les efforts de l’école n’avaient pas effacé l’empreinte païenne qui marquait la constitution de l’État et la famille. C’était