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en France comme dans sa terre natale ; elle célèbre les héros qui sont le type de la vie chevaleresque, et le culte des femmes qui en fait le charme. La seconde est une poésie nationale, propre à chaque peuple dont elle conserve le génie et les traditions. L’Allemagne a les Aventures des Nibelungen encore toutes pénétrées d’instincts barbares et de souvenirs païens. On y voit de longues chevauchées à travers la forêt sans nom, des festins ensanglantés, les fils de la lumière aux prises avec ceux des ténèbres, et le héros vainqueur du dragon périssant à cause d’un trésor maudit et d’une femme déchue. Les brumes du Nord prêtent leur faveur à ces sombres fictions. Au contraire, le soleil du Midi échauffe et colore le poëme du Cid : toute l’Espagne vit dans ce personnage, terrible aux infidèles et récalcitrant à son roi, si religieux et si fier dans sa religion, que Dieu même le traite avec ménagement, et ne le retire de ce monde qu’après l’avoir averti par l’apôtre saint Pierre. Mais c’est l’Italie qui choisit alors la meilleure part : elle a trouvé l’inspiration dans la sainteté. Cette terre, remuée par Grégoire VII, produit des mêmes sillons une double moisson de saints et d’artistes ; d’un côté, saint Anselme, saint François, saint Thomas, saint Bonaventure, et autour de ces grandes âmes un nombre infini d’âmes tendres et ardentes ; d’un autre côté, toute une génération d’architectes et de peintres formés au tombeau de saint François, à leur tête Giotto. Le lien qui unit la foi et le génie ne fut jamais plus visible, et je ne m’étonne pas si l’épopée nationale de l’Italie doit être