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spirituel. En voulant rendre l’Église puissante, les papes l’ont rendue libre ; les deux pouvoirs se divisent, et, la force rentrant dans son domaine, la conscience est sauvée.

En même temps la papauté accomplit un second dessein de Grégoire VII. Elle arrache les peuples de l’Occident, où ils s’agitaient livrés à des combats éternels, sans justice et sans fruits. Elle les pousse en Orient, où, puisqu’il leur faut la guerre, elle leur donne la guerre sainte, justifiée par une cause toute divine, couronnée par la conquête du droit et de la liberté. En effet, les peuples, transportés loin de ce puissant empire d’Allemagne qui prétendait souveraineté sur eux, s’affranchissent de la vassalité et prennent possession de leur indépendance. Foucher de Chartres représente les croisés, Allemands et Français, Anglais et Italiens, vivant dans une fraternelle égalité. Les nations modernes gagnent leurs éperons en Palestine, et à l’unité visible de l’Empire succède l’unité morale de la République chrétienne.

Secondement la féodalité s’ébranle du même coup. Sous la bannière de la croix les roturiers combattent au même titre que les nobles, à titre de soldats du Christ ; ils gagnent les mêmes indulgences, et, s’ils meurent, ils remportent les mêmes palmes du martyre. Les marchands de Gênes et de Venise plantent l’échelle aux murs des villes sarrasines : ils mènent l’assaut d’une main aussi ferme, d’un visage aussi fier que les barons de France. La féodalité eut beau se créer en Terre-