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ans, il se donne un maître ; il apprend la langue latine, il traduit le Pastoral de saint Grégoire, pour l’édification du clergé, la Consolation de Boëce et les Histoires de Paul Orose et de Bède, pour l’instruction de tous. Il s’efforce de hâter ainsi l’éducation de son peuple, tremblant, comme il dit, à la pensée des châtiments que les puissants et les lettrés encourront dans ce monde et dans l’autre, s’ils n’ont su ni goûter la sagesse ni la faire goûter aux hommes. »

Pendant que le Nord s’éclairait de ces flambeaux, l’Allemagne entretenait aussi le feu sacré aux trois foyers monastiques de la Nouvelle-Corbie, de Fulde et de Saint-Gall. Ces puissantes abbayes, défendues contre les barbares par de fortes murailles, contre les mauvais princes par le respect public, enveloppaient dans leur enceinte des écoles, des bibliothèques, des ateliers de copistes, de peintres et de sculpteurs. Je m’arrête à Saint-Gall, où je sens déjà comme un premier souffle de la Renaissance. Là, on ne se borne pas à transcrire par obéissance les livres des païens : on n’accueille pas les muses latines avec une curiosité inquiète et mêlée de remords. C’est peu d’honorer les anciens, on les aime avec cette passion intelligente qui rend la vie au passé. Les moines engagent de savantes disputes ; ils livrent à tout venant des combats de grammaire, des assauts de poésie ; il en est qui opinent au chapitre en vers de l’Énéide. Déjà les lettres latines ne suffisent plus à l’ardeur de ces hommes séparés du monde : il faut qu’ils pénètrent dans l’antiquité grec-