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s’enfuir ? Plusieurs chroniques s’interrompent à l’invasion des Normands, et beaucoup d’églises rapportent à cette époque la perte de leurs diplômes et de leurs légendes.

Toutefois, deux îles de l’Occident avaient échappé à la souveraineté de Charlemagne. On s’étonne d’abord que la Grande-Bretagne et l’Irlande, si affaiblies par leurs guerres intestines, se soient soustraites à la domination d’un empire qui allait des bouches du Rhin à celles du Tibre, et de l’Èbre à la Theiss. Mais, en effet, dans cette décadence de l’empire carlovingien, il fallait qu’une société moins découragée offrît un refuge aux sciences et aux lettres. Pendant le onzième siècle les monastères irlandais continuent de nourrir tout un peuple de théologiens, de savants, de disputeurs. De temps à autre, ils jettent leur trop-plein sur la côte de France, où l’on voit arriver, selon l’expression d’un contemporain, des troupeaux de philosophes. Au milieu de ces philosophes sans nom paraît Jean Scot Érigène, célèbre jusqu’au scandale, hardi jusqu’à la témérité, érudit jusqu’à renouveler les doctrines d’Alexandrie, mais s’arrêtant au bord du panthéisme assez tôt pour conserver une incontestable influence sur les mystiques du moyen âge. D’autre côté, l’Angleterre, tandis qu’elle assistait de loin au déclin de la dynastie carlovingienne, inaugurait chez elle le règne d’Alfred le Grand. Ce jeune homme héroïque reconquiert le royaume de ses pères, et, de cette main victorieuse qui vient de chasser les Danois, il rouvre les écoles. Lui-même, à trente-six