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ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.

les initiales de ce maître. Quant aux autres artistes, ils suivaient, malheureusement, l’habitude générale qui prévalait pendant le moyen-âge, de ne pas signer leurs œuvres, aussi leurs noms sont ils ensévelis dans l’oubli, si nous exceptons ceux de Monvearni et de P. E. Nicholat, ou plutôt de Pénicaud, qui est la version plus correcte des inscriptions.

Au commencement du seizième siècle, le style de la renaissance avait fait de grands progrès, et parmi les autres changements qu’il amena, il mit en vogue les peintures en camaïeu, ou grisaille. Les fabricants de Limoges adoptèrent immédiatement ce nouveau genre de peinture ; et cette adoption eut pour résultat de produire ce qu’on peut appeler la seconde série d’émaux peints. Le procédé suivi dans ce genre de peinture, était à peu près le même que celui qu’on employait à l’égard des carnations des anciens spécimens : on couvrait d’abord toute la surface de la plaque de cuivre, d’un émail noir, puis on obtenait les clairs et les demi-teintes par le moyen d’un blanc opaque ; les parties qui demandaient l’application d’un coloris, tels que les visages et le feuillage, recevaient un vernis de la teinte voulue ; on ajoutait presque toujours des touches en or pour compléter la peinture, et quelquefois, lorsqu’on désirait produire un brillant plus qu’ordinaire, on appliquait sur le fond noir une feuille mince d’or ou d’argent, appelée paillon, qu’on recouvrait ensuite de vernis. Toutes ces différentes opérations ont été employées dans les portraits de François Ier et de Henri II., exécutés par Léonard Limousin pour la décoration de la Sainte Chapelle, mais qui se trouvent maintenant au musée du Louvre. Limoges, il faut le dire, doit beaucoup au premier de ces monarques, qui non seulement y établit une manufacture, mais décerna au directeur Léonard, le titre de « peintre, émailleur, valet de chambre du Roi, » et lui conféra en même temps le surnom de « le Limousin, » pour le distinguer d’un autre artiste encore plus fameux, Leonardo da Vinci. Le Limousin, du reste, était loin d’être un artiste ordinaire, comme on peut le voir, soit en examinant ses copies des anciens maîtres allemands et italiens, ou ses portraits originaux de contemporains célèbres, tels que ceux du duc de Guise, du connétable de Montmorency, de Catherine de Medicis et autres — exécutés, il faut bien se le rappeler, avec les matériaux les plus difficiles à manier qui aient jamais été encore employés dans un but artistique. Les ouvrages de Léonard ont été exécutés entre 1532 et 1574, et, contemporains avec lui florissaient un grand nombre d’artistes émailleurs, dont plusieurs l’ont égalé, si non surpassé dans leurs productions ; tels sont, entre autres, Pierre Raymond, la famille des Pénicaud et celle des Courtey, Jean et Susanne Court, et M. D. Pape. Pierre, l’aîné de la famille des Courtey était non seulement un excellent artiste, mais il jouissait de la réputation d’avoir fait les plus grands émaux qu’on eût jamais exécutés ; ils sont au nombre de douze, dont neuf se trouvent au musée de l’Hôtel de Cluny, et les trois autres, au dire de M. Labarte, sont en Angleterre. Ces émaux avaient été fabriqués pour la décoration de la façade du château de Madrid, pour la construction et l’embellissement duquel, François Ier et Henri II dépensèrent des sommes considérables. Nous ferons remarquer que les artistes de Limoges, dans cette dernière phase de l’art de l’émaillure, ne se limitèrent pas, comme ils l’avaient fait précédemment, à la reproduction de sujets sacrés ; mais même les plus distingués parmi eux, ne dédaignèrent pas de modeler des vases, des cassettes, des cuvettes, des aiguières, des coupes, des plateaux, et une variété d’autres objets à l’usage journalier, qu’on couvrait d’abord entièrement d’émail noir, et qu’on décorait ensuite de médaillons, etc. en blanc opaque. Au commencement de ce nouveau genre de manufacture, les artistes prenaient la plupart de leurs sujets, des gravures de Martin Schöen, d’Israel van Mecken, et autres artistes allemands ; puis ils copièrent celles de Marc Antoine Raimonds et autres artistes italiens ; et enfin vers le milieu du seizième siècle ils reproduisirent les ouvrages de Virgile Solis, Théodore de Bry, Étienne de l’Aulne, et autres petits-maîtres.

Les ateliers de Limoges employés à la fabrication des émaux peints, étaient en pleine activité pendant le quinzième siècle, le seizième, le dix-septième et une grande partie du dix-huitième, époque à laquelle l’art s’éteignit entièrement. Les derniers artistes émailleurs furent les Nouaillers et les

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