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ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.

facture de ce genre de faïence se poursuivait sur une grande échelle, entre 1470 et 1700, dans les villes de Nocera, Arezzo, Citta di Castillo, Forli, Faenza (de là nom de faïence), Florence, Spello, Perugia, Deruta, Bologna, Rimini, Ferrare, Pésaro, Fermignano, Castel Durante, Gubbio, Urbino, et Ravenna, de même que dans plusieurs villes des Abruzzi ; mais c’est un fait admis que Pésaro fut la première ville où cette fabrication acquit une certaine célébrité. On donna d’abord à cette faïence le nom de « mezza » ou demi-majolica et on en faisait des assiettes épaisses et lourdes et quelquefois très-grandes. Ces assiettes sont d’une couleur gris-foncé, et enduites à l’envers d’un vernis jaune-sombre. La contexture en est grossière et graveleuse, mais on y voit çà et là un lustre doré et prismatique, quoiqu’elles soient plus généralement d’une nuance de perle. Cette demi-majolica, au dire de Passeri et d’autres autorités, a été faite au quinzième siècle, et ce n’est que subséquemment à cette époque qu’elle a été remplacée entièrement par la majolique fine.

Un moyen de vernisser la poterie a été découvert par Luca della Robbia, né à Florence en 1399, qui se servait, à ce qu’on dit, d’un mélange d’antimoine, d’étain et d’autres substances, appliqué comme vernis à la surface des charmantes statues en terre-cuite, et des bas-reliefs modelés par lui. Le secret de préparer ce vernis fut conservé dans la famille de l’inventeur, jusqu’en 1550, où il fut emporté dans le tombeau par le dernier membre de la famille. On a tenté à Florence, de ressusciter la fabrication de la faïence de Robbia, mais le succès a été minime, par suite des grandes difficultés que présentait l’entreprise. Les sujets des bas-reliefs de Della Robbia sont religieux pour la plupart, genre auquel le blanc luisant des figures est parfaitement adapté ; les yeux y sont noircis pour relever l’expression, et les figures blanches sont détachées par un fond bleu-foncé. Les successeurs de Della Robbia ajoutèrent des guirlandes de fleurs et de fruits en teintes naturelles, et quelques uns d’entr’eux coloriaient les costumes et laissaient les chairs sans vernis. Passeri prétend que cette découverte avait été faite, déja à une époque plus reculée, à Pésaro, où l’on fabriquait de la faïence au quatorzième siècle ; mais quoiqu’il soit possible que la combinaison du vernis avec la couleur, fût connue à cette époque reculée, il est certain qu’elle n’a acquis de célébrité qu’en 1462, époque où Matteo di Raniere, de Cagli, et Ventura di Maestro Simone dei Piccolomini, de Sienne, s’établirent à Pésaro pour continuer la fabrication de faïence qui s’y exerçait déja alors ; et il est fort probable que leur attention ait été réveillée par les ouvrages de Della Robbia, que Sigismond Pandolfo Malatesta avait employé à Rimini. Il y avait, à ce qu’il paraît, quelque confusion quant au procédé précis que Della Robbia avait inventé, invention que lui, ainsi que toute sa famille, regardait comme un secret précieux. Quant à nous, nous croyons que le secret consistait plutôt dans la manière de détremper et de cuire parfaitement les grandes masses d’argile, que dans le moyen de faire le vernis protecteur, lequel offrait, à ce qu’il paraît, trop peu de nouveauté pour qu’il fût nécessaire d’en faire un secret.

Le lustre prismatique et un vernis blanc brillant et transparent, telles étaient les qualités qu’on cherchait surtout à obtenir dans la majolique fine et dans la faïence de Gubbio ; le lustre métallique se produisait par des préparations de plomb, d’argent, de cuivre et d’or, et sous ce rapport la faïence de Gubbio surpassait toutes les autres faïences. Pour donner à la faïence l’émail d’un blanc éclatant, on se servait d’un vernis fait d’étain, dans lequel on plongeait la poterie à demi-cuite ; puis on y peignait les dessins avant que le vernis ne fut sec, et la promptitude avec laquelle celui-ci absorbait les couleurs, explique l’inexactitude du dessin qu’on y trouve si souvent.

Une assiette en vieille faïence de Pésaro, qui se trouve au musée de la Haye, porte un chiffre qui paraît être composé des lettres « C. H. O. N. » Une autre assiette, mentionnée par Pungileoni, porte une marque formée par les lettres « G. A. T. » entrelacées. Mais ce sont des exemples rares, attendu que les artistes qui faisaient ces assiettes, ne signaient leurs ouvrages que très-rarement.

Les sujets choisis par les artistes, étaient généralement, des figures de saints, et des représentations d’événements historiques tirés de la sainte Écriture ; mais ils choisissaient de préférence les figures de

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