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ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.

grand monument de la renaissance, au talent d’un artiste français. Du reste, les comptes publiés en entier par M. Deville en 1850, mettent la question presqu’au delà de tout doute, en démontrant, que Guillaume Senault en a été l’architecte et le maître maçon. Il n’est pas impossible cependant, que le cardinal ait consulté Giocondo sur le plan général, dont les détails ont été exécutés ensuite par Senault et ses compagnons, français pour la plupart. Le principal artiste italien qui a travaillé à quelques unes des arabesques les plus classiques, s’il faut en juger par le style, fut Bertrand de Meynal, qui avait reçu la commission d’apporter de Gènes la magnifique fontaine vénitienne, si bien connue comme le vasque du château de Gaillon ; cette fontaine se trouve actuellement au Louvre, et nous en avons reproduit quelques ornements élégants, planche LXXXI., figs. 27, 30, 34, 38. Colin Castille, qui figure principalement sur la liste des ouvriers-artistes, comme « tailleur à l’antique, » était peut-être un espagnol qui avait étudié à Rome. Telles parties de cet ouvrage de la renaissance qui ne sont pas dans le style bourguignon, sont très pures dans tous les points les plus essentiels, et diffèrent à peine des beaux spécimens italiens.

Ce ne fut cependant que dans le monument de Louis XII., actuellement à St. Denis, près de Paris, un des monuments les plus riches du seizième siècle, que la symétrie de la disposition architecturale fut, pour la première fois en France, combinée avec une exécution de maître déployée dans les détails. Cette belle œuvre d’art commandée par François I., a été exécutée entre 1518 et 1530, par Jean Juste de Tours. Douze arcs semi-circulaires entourent les corps du couple royal, représenté nu ; sous chacun des arcs est placé un des apôtres, et au quatre coins il y a quatre grandes statues représentant la Justice, la Force, la Prudence, et la Sagesse ; le tout étant surmonté par les statues du roi et de la reine à genoux : Les bas-reliefs représentent l’entrée triomphale de Louis à Gènes, et la bataille d’Aguadel où il se signala par sa valeur personnelle.

On a voulu attribuer ce monument de Louis XII. à Trebatti (Paul Ponee), mais le monument était achevé avant que cet artiste vînt en France ; ce qui est prouvé par l’extrait suivant tiré des archives Royales : François I. écrit au Cardinal Duprat : — « Il est deu à Jehan Juste mon sculteur ordinaire, porteur de ceste, la somme de 400 escus, restans des 1200 que je lui avoie pardevant or donnez pour le menage et conduite de la ville de Tours au lieu de St. Denis en France, de la sculpture de marbre de feuz Roy Loys et Royne Anne, &c, Novembre 1531.»

Tout aussi dignes d’étude que le tombeau de Louis XII., sont les magnifiques sculptures en alto et basso relievo, exécutées à la même époque, qui décorent tout l’extérieur du chœur de la cathédrale de Chartres ; le sujet en est pris de la vie du Sauveur et de celle de la Vierge, et forme quarante et un groupes, dont quatorze sont l’ouvrage de Jean Texier qui les commença en 1514, après avoir achevé la partie du beffroi érigée par lui. Ces compositions sont pleines de beauté et de vérité, les figures en sont animées et naturelles, la draperie est libre et gracieuse, et les têtes sont pleines de vie ; mais ce qu’il y a de plus beau peut-être, ce sont les arabesques qui couvrent presque entièrement les parties saillantes des pilastres, des frises, et des moulures de la base. Ces ornements sont fort exigus ; les groupes qui couvrent les pilastres, et qui sont les plus grands, n’ont que huit ou neuf pouces de largeur. Mais tout petits qu’ils sont, ces ornements montrent une verve de sculpture et une variété de devises vraiment merveilleuses. On y voit arrangés avec un goût exquis, des feuillages en masse, des branches d’arbres, des oiseaux, des fontaines, des faisceaux d’armes, des satyres, des insignes militaires et des outils appartenant aux différents arts. Un F couronné — monogramme de François I. — se distingue visiblement dans ces arabesques, et sur les draperies sont tracées les dates des années 1525, 1527, et 1529.

Le tombeau qu’Anne de Bretagne fit élever à la mémoire de son père et de sa mère, fut fini et placé dans le chœur de l’église Carmélite de Nantes, le 1er Janvier 1507. C’est le chef-d’œuvre de Michel Colombe — artiste d’un grand talent et de beaucoup de naïveté. Les détails des ornements

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