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ORNEMENTS MAURESQUES.

5. Dans la décoration de surface des Maures, toutes les lignes partent d’une tige-mère. Tout ornement, quelqu’éloigné qu’il soit de l’axe de la composition, peut être tracé à sa branche et à sa racine. Les Maures étaient assez heureux pour posséder l’art d’adapter l’ornement à la surface décorée, de telle manière, que l’ornement avait tout autant l’air d’avoir suggéré la forme générale que d’avoir été suggéré par celle-ci. Dans tous les cas nous trouvons que les feuilles découlent toutes d’une tige-mère, et jamais nous ne sommes offensés par un ornement introduit au hasard et mis là à tort et à travers, sans qu’il y ait aucune raison pour son existence. Quelqu’irrégulier que fût l’espace à décorer, les Maures se mettaient toujours à le diviser d’abord en aires égales, puis ils distribuaient les détails, mais sans jamais manquer de retourner à la tige-mère.

Dans cela ils suivaient, du reste, un procédé analogue à celui quesuit la nature, tel qu’on le voit dans une feuille de vigne ; l’objet en vue étant de distribuer la sève qui part de la tige-mère vers les extrémités, la tige principale doit évidemment diviser les feuilles en aires à peu près égales. Il en est de même des divisions mineures ; chaque aire est à son tour subdivisée par des lignes intermédiaires, qui suivent toutes la même loi de distribution égale, loi observée jusque dans l’opération minutieuse de remplir les tuyaux alimentaires de la sève.

6. Un autre principe que les Maures suivaient, c’est celui de la radiation partant de la tige-mère, principe suivi dans la nature, comme on peut le voir dans la main humaine ou dans la feuille d’un châtaignier.

On peut voir dans l’exemple ci-contre, que toutes les lignes rayonnent de la tige-mère ; que chaque feuille diminue vers les extrémités, et que chaque aire est proportionnée àla feuille. Les orientaux pratiquaient ce principe avec une perfection merveilleuse ; les Grecs en faisaient autant dans leur ornement du chèvre feuille. Nous avons déjà parlé, au chapitre IV., d’une particularité de l’ornement grec, basée apparemment sur le principe observé dans les plantes de la tribu des cactiers, où une feuille naît de l’autre, principe qu’on trouve généralement dans l’ornement grec ; ainsi les enroulements composés de feuilles d’acanthe, sont une suite de feuilles naissant les unes des autres en une ligne continue, tandis que les ornements arabes et mauresques naissent d’une tige continue.

7. Toutes les jonctions de lignes courbes avec d’autres lignes courbes, ou de lignes courbes avec des lignes droites, doivent s’effectuer en devenant réciproquement les tangentes les unesdes autres à leur point de rencontre ; c’est une loi qu’on trouve partout dans la nature, et la pratique orientale est d’accord avec cette loi. Nombre d’ornements mauresques sont basés sur ce principe, qu’on peut tracer dans les lignes des plumes comme dans les articulations de chaque feuille, et c’est à ce principe qu’est dû ce charme additionnel, qu’on découvre dans l’ornementation parfaite et qu’on désigne sous l’appellation de gracieux. On peut l’appeler la mélodie de la forme, de même que les principes expliqués auparavant en constituent l’harmonie.

Ces lois de la distribution égale, de la radiation partant de la tige-mère, de la continuité des lignes et des courbes tangentes se trouvent représentées dans toutes les feuilles naturelles.

8. Nous devons faire remarquer, comme digne d’attention, la nature des courbes exquises employées par les Arabes et les Maures.

    sentiment pour l’harmonie en fait de sons. La même chose doit naturellement arriver à l’égard de la forme, et il faudrait que tous ceux qui s’intéressent au bien-être de la génération actuelle, fissent des efforts vigoureux pour mettre un terme à cette tendance.

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