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ORNEMENTS TURCS.

les Turcs ont été les premiers, parmi les races mahométanes, à abandonner le style traditionnel de construction de leurs ancêtres, et à adopter dans leur architecture, la mode prédominante du jour ; leurs bâtiments et leurs palais modernes sont non seulement l’ouvrage d’artistes européens, mais ils sont dessinés dans le style européen le plus en vogue.

Parmi les productions de toutes les nations mahométanes qui prirent part à l’Exposition de 1851, celles des Turcs étaient les moins parfaites.

On trouvera dans l’admirable rapport de M. Digby Wyatt, sur l’état des arts industriels au dix-neuvième siècle, des spécimens de broderie turque, exposés en 1851 ; et si on les compare au grand nombre des spécimens de prix de la broderie indienne, reproduits dans le même ouvrage, on verra facilement, et cela au premier coup d’œil, que l’instinct artistique des Turcs doit être très inférieur à celui des Indiens. La broderie indienne est aussi parfaite dans la distribution de la forme et dans tous les principes de l’ornementation, que l’objet de décoration le plus élaboré et le plus important.

Les tapis turcs sont les seuls objets, qui nous offrent des exemples d’une ornementation parfaite ; mais ils sont principalement fabriqués dans l’Asie Mineure, et très probablement, ils ne sont pas faits par les Turcs eux-mêmes. Les dessins en sont tout-à-fait arabes, et ils diffèrent des tapis perses, en ce que le traitement du feuillage y est beaucoup plus conventionnel.

En comparant la planche XXXVII., aux planches XXXII. et XXXIII., on verra facilement les différences qui existent entre les deux styles. Les principes généraux de la distribution de la forme sont les mêmes, mais il existe quelques différences d’une importance secondaire, qu’il convient cependant d’indiquer.

La surface d’un ornement soit arabe, soit mauresque, n’est que légèrement arrondie, relevée et enrichie par le moyen de lignes qui y sont creusées ; ou lorsque la surface est unie, le patron additionnel sur un premier patron, est produit à l’aide de la peinture.

L’ornement turc, au contraire, présente à la vue, une surface sculptée ; et les ornements peints que nous trouvons dans les manuscripts arabes, planche XXXIV., exécutés en lignes noirs sur des fleurs d’or, se trouvent dans le style turc, sculptés sur la surface, produisant ainsi un effet moins large que celui qu’on obtient par les ornements fleuronnés, creusés dans la surface, du style arabe et du style mauresque.

Le style turc possède une autre particularité, qui fait qu’on ne peut jamais le confondre avec l’ornement arabe, c’est le grand abus de l’emploi de la courbe rentrante A A, qui est pourtant un caractère proéminent dans le style arabe, mais plus spécialement dans le style perse. Voyez planche XLVI. Dans le style mauresque, loin de former un trait prédominant, cette courbe n’est employée que dans des cas exceptionnels.

On adopta cette particularité de la courbe rentrante dans l’ornement du temps d’Élisabeth, le quel, par le medium des styles de la renaissance française et de la renaissance italienne, tira son origine de l’Orient, dont il imita les ouvrages damasquinés, d’un usage si général à cette époque.

On voit par les illustrations de la planche XXXVI., que le bombement de la ligne rentrante se trouve, toujours, à l’intérieur de la courbe spirale de la tige principale ; tandis que dans l’ornement du temps d’Elisabeth, le bombement se fait, indifféremment, soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la courbe.

Il est très difficile, et même presque impossible, d’expliquer complètement à l’aide de mots, les différences qui existent entre des styles d’ornements, qui possèdent une ressemblance de famille aussi grande entre eux, que les styles perse, arabe, et turc ; quoique l’œil les découvre aussi facilement, et de la même manière, qu’on distingue une statue romaine d’une statue grecque. Les principes généraux sont les mêmes dans les styles d’ornements perses, arabes et turcs, mais on trouvera quelque chose de particulier à chacun, dans les proportions des masses, plus ou moins de grace dans le coulant des courbes, une tendance des lignes principales à se diriger dans certaines directions, et une manière particulière d’entrelacer les formes ; tandis que la forme générale du feuillage conventionnel reste

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