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MÉTAMORPHOSES.

régnèrent la fraude, l’artifice, la trahison, la violence et la coupable soif de l’or. Sans les bien connaître, le nautonier abandonna sa voile aux vents ; et, après avoir longtemps séjourné sur la cime des monts, les arbres, transformés en vaisseaux, défièrent un abîme inconnu. La terre, jusque-là commune à tous, comme l’air et la lumière, vit le laboureur défiant assigner de longues limites à son champ. C’était peu de demander à la fécondité du sol les moissons et les aliments nécessaires ; on descendit jusque dans les entrailles de la terre ; on déterra ces trésors qu’elle tenait cachés près des ombres du Styx, et qui ne servent qu’à irriter nos maux. Déjà le fer homicide, et l’or, plus funeste encore, avaient paru ; la guerre parut aussi, la guerre qui combat avec eux, et dont la main ensanglantée fait retentir le cliquetis des armes. On vit de rapines. L’hôte redoute son hôte, et le beau-père son gendre. La concorde est rare parmi les frères. Le mari trame la perte de sa femme, et la femme attente aux jours de son mari. Les terribles marâtres préparent des poisons mortels. Le fils cherche d’avance à connaître le terme des années de son père. La vertu est foulée aux pieds, et la vierge Astrée, après tous les Immortels, abandonne la terre arrosée de sang.