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MÉTAMORPHOSES.

et la crainte étaient ignorés. Des arrêts menaçants ne se lisaient pas sur l’airain, et une foule suppliante ne tremblait pas devant ses juges : les mortels vivaient tranquilles sans leur secours. Le pin n’avait pas encore été détaché de ses montagnes par la hache pour descendre sur la plaine liquide, et aller visiter un monde étranger. Les hommes ne connaissaient que leur horizon. Des fossés profonds n’entouraient point les cités. On n’entendait ni clairons ni trompettes ; on ne voyait ni casques ni épées, et, sans soldats, les peuples, dans le calme de la paix, jouissaient des plus heureux loisirs. La terre, sans y être forcée, sans être déchirée par la herse ou sillonnée par la charrue, prodiguait d’elle-même tous les fruits. Contents des aliments qu’elle offrait sans contrainte, les mortels cueillaient les arbouses, les cornouilles, les fraises des montagnes, les mûres attachées aux ronces épineuses, et les glands tombés du grand arbre de Jupiter. Alors régnait un printemps éternel, et les doux zéphyrs, de leurs tièdes haleines, caressaient les fleurs nées sans culture. Enfin, les guérets, sans être rajeunis par aucun labour, versaient tous leurs trésors, et blanchissaient sous de riches épis. Ici serpentaient des ruisseaux