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LIVRE PREMIER.

Le pin qui de ses monts descendu sur les mers,
Court voyager au loin dans un autre univers,
Se plaisait à vieillir au lieu qui le vit naître.
Chacun bornait le monde à son vallon champêtre.
On n’avait point forgé les casques ni les dards,
Ni de fossés profonds entouré des remparts.’
La trompette aux combats n’appelait point encore,
Ni du clairon guerrier l’airain courbe et sonore ;
Et ce siècle innocent, sans guerre, sans procès,
Goûtait les doux loisirs d’une éternelle paix.

La terre, vierge encor, sans culture féconde,
Ne sentait point du soc la blessure profonde.
Heureux de ses présens, nés sans soins, sans apprêts,
L’homme sur les buissons cueillait ses plus doux mets,
Les fruits de l’arboisier, la fraise montagneuse,
Et la mûre attachée à la ronce épineuse :
Des glands tombés du chêne il se nourrît long-tems.
Ce fut le règne heureux d’un éternel printems.
Les zéphirs échauffaient de leurs tièdes haleines
Mille fleurs sans semence écloses dans les plaines.
L’épi, sans laboureur, jaunissait les guérets[1].
Des sources d’un lait pur, des sources d’un vin frais,
Serpentaient en ruisseaux, jaillissaient en fontaines ;
Et le miel distillait de l’écorce des chênes.


  1. Ovide «’abandonne quelquefois à l’extrême facilité