Page:Ovide - Métamorphoses, Banier, 1767, tome 1.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
MÉTAMORPHOSES. LIV. I.

FABLE PREMIERE.

Du Cahos, & de la Création du Monde.

AVANT que la Mer, la Terre & le Ciel qui les environne, fussent produits, l’Univers entier ne présentoit qu’une seule forme. Cet amas confus, ce vain & inutile fardeau dans lequel les principes de tous les Êtres étoient confondus, c’est ce qu’on a appellé le Cahos. Le Soleil ne prêtoit point encore sa lumière au monde ; la Lune n’étoit point sujette à ses vicissitudes : la Terre ne se trouvoit point suspendue au milieu des airs, où elle se soutient par son propre poids ; la Mer n’avoit point de rivages ; l’Eau & l’Air se trouvoient mêlés avec la Terre qui n’avoit point encore de solidité ; l’Eau n’étoit point fluide, & l’Air manquoit de lumière : tout étoit confondu. Aucun corps n’avoit la forme qu’il devoit avoir, & tous ensemble se faisoient obstacle les uns aux autres. Le froid combattoit contre le chaud, le sec avec l’humide ; les corps qui étoient durs, attaquoient ceux qui ne faisoient point de résistance : les pesans disputoient avec les légers. Dieu, ou la Nature elle-même, termina tous ces combats, en séparant le Ciel d’avec la Terre, la Terre d’avec les Eaux, & l’Air le plus pur d’avec l’Air le plus grossier. Le Cahos ainsi débrouillé, Dieu plaça chaque corps dans le lieu qu’il devoit occuper, & établit les Loix qui devoient en former l’union. Le Feu, qui est le plus léger des Elémens, occupa la région la plus élevée ; l’Air prit au-dessous du Feu, la place qui convenoit à sa légèreté ; la Terre, malgré sa pesanteur, trouva son équilibre, & l’Eau qui l’environne, fut placée dans le lieu le plus bas.