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étoile et non le courroux du prince, mon nom en tête de mes lettres était pour moi-même un sujet d’effroi. Maintenant que tu es rassuré, permets au poète reconnaissant de nommer dans ses tablettes un ami qui lui est si cher. Ce serait une honte pour tous deux si, malgré notre longue intimité, ton nom ne paraissait point dans mes ouvrages. Cependant de peur que cette appréhension ne vienne à troubler ton sommeil, mon affection n’ira pas au-delà des bornes que tu me prescriras. Je tairai toujours qui tu es, tant que je n’aurai pas reçu l’ordre contraire. Mon amitié ne doit être à charge à personne. Ainsi toi, qui pourrais m’aimer ouvertement et en toute sûreté, si ce rôle désormais te semble dangereux, aime-moi du moins en secret.


LETTRE VII

À SES AMIS

Les paroles me manquent pour vous renouveler tant de fois les mêmes prières. J’ai honte enfin d’y recourir sans cesse inutilement. Et vous, sans doute que ces requêtes uniformes vous ennuient, et que chacun de vous sait d’avance ce que je vais lui demander. Oui, vous connaissez le contenu de ma lettre avant même d’avoir rompu les liens qui l’entourent. Je vais donc changer de discours pour ne pas lutter plus longtemps contre le courant du fleuve. Pardonnez, mes amis, si j’ai trop compté sur vous. C’est une faute dont je veux enfin me corriger. On ne dira plus que je suis à charge à ma femme, qui me fait expier sa fidélité par son inexpérience et son peu d’empressement à venir à mon secours. Tu supporteras encore ce malheur, Ovide, toi qui en as supporté de plus grands. Maintenant il n’est plus pour toi de fardeau trop pesant. Le taureau qu’on enlève au troupeau refuse de tirer la charrue, et soustrait sa tête novice aux dures épreuves du joug. Moi, qui suis habitué aux rigueurs du destin, depuis longtemps toutes les adversités me sont familières. Je suis venu sur les rives du Gète, il faut que j’y meure, et que mon sort, tel qu’il a commencé, s’accomplisse jusqu’au bout. Qu’ils espèrent, ceux qui ne furent pas toujours déçus par l’espérance. Qu’ils fassent des vœux, ceux qui croient encore à l’avenir. Le mieux, après cela, c’est de savoir désespérer à propos, c’est de se croire, une fois pour toutes, irrévocablement perdu. Plus d’une blessure s’envenime par les soins qu’on y apporte. Il eût mieux valu ne pas y toucher. On souffre moins à périr englouti tout à coup dans les flots, qu’à lutter d’un bras impuissant contre les vagues en courroux. Pourquoi me suis-je figuré que je parviendrais à quitter les frontières de la Scythie, et à jouir d’un exil plus supportable ?… Pourquoi ai-je espéré un