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témoigner encore leur bienveillance habituelle, et voir d’un œil attendri couler tes larmes !


LETTRE II

À COTTA

Plaise aux dieux, Cotta, que cette lettre et les vœux que j’y fais pour toi te trouvent en aussi bonne santé que je le désire ! Mon assurance sur ce point diminue mes souffrances, et ta santé fait celle de la meilleure partie de moi-même. Lorsque mes autres amis, découragés, abandonnent mes voiles déchirées par la tempête, tu restes comme la dernière ancre de mon navire fracassé. Ton amitié m’est donc bien douce, et je pardonne à ceux qui m’ont tourné le dos avec la Fortune. La foudre qui n’atteint qu’un seul homme en épouvante bien d’autres, et la foule éperdue tremble d’effroi près de la victime. Quand un mur menace ruine, l’inquiétude rend bientôt désert l’espace qui l’environne. Quel est l’homme un peu timide qui, de peur de gagner un mal contagieux, ne se hâte de quitter son voisin malade ? Ainsi quelques-uns de mes amis m’ont délaissé, non par haine pour moi, mais par excès de crainte. Ni l’affection ni le zèle pour mes intérêts ne leur a manqué. Ils ont redouté la colère des dieux. S’ils peuvent sembler trop circonspects et trop timides, ils ne méritent pas qu’on les flétrisse du nom de méchants. Ainsi, dans ma candeur, j’excuse les amis qui me sont chers. Ainsi je les justifie de tout reproche à mon égard. Qu’ils s’applaudissent de mon indulgence, et puissent dire que mon propre témoignage est la preuve éclatante de leur innocence. Quant à toi et au petit nombre d’amis qui auraient cru se déshonorer en me refusant toute espèce de secours dans mon adversité, le souvenir de leurs bienfaits ne périra que lorsque de mon corps consumé il ne restera plus que des cendres. Je me trompe. Ce souvenir durera plus que ma vie, si toutefois la postérité lit mes écrits. Un corps est le tribut que réclame le bûcher, mais un nom, mais la gloire échappent aux ravages des flammes. Thésée est mort, le compagnon d’Oreste l’est aussi. Cependant ils vivent par les éloges qui consacrent leurs belles actions. Nos descendants rediront aussi vos louanges, et mes vers assureront votre gloire. Ici, déjà, les Sarmates et les Gètes vous connaissent, et ce peuple de barbares est lui-même sensible à votre généreux attachement. Comme je les entretenais de la fidélité que vous m’avez gardée (car j’ai appris à parler le gète et le sarmate ), un vieillard qui se trouvait par hasard