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ô toi que les vertus élèvent au-dessus du monde entier, et arrête les effets de ta juste vengeance ! pardonne, je t’en conjure, toi l’immortel honneur de notre âge, toi qu’on reconnaît à ta sollicitude pour le maître de la terre, par le nom de ta patrie, que tu aimes plus que toi-même, par les dieux qui ne furent jamais sourds à tes vœux, par la compagne de ta couche, qui seule fut jugée digne de toi, qui seule put supporter l’éclat de ta majesté, par ce fils dont la vertu est l’image de la tienne, et que ses mœurs font reconnaître pour le digne produit de ton sang, par tes petits-fils si dignes encore de leur aïeul et de leur père, et qui s’avancent à grands pas dans la route que ta volonté leur a tracée ; adoucis la rigueur de mon supplice, et accorde-moi la faveur légère de transporter loin du Scythe ennemi le séjour de mon exil. Et toi, le premier après César, que ta divinité, s’il se peut, ne soit point inexorable à mes prières ! et puisse bientôt la fière Germanie marcher, esclave et humiliée, devant ton char de triomphe ! Puisse ton père vivre autant que le vieillard de Pylos, et ta mère que la prêtresse de Cumes ! Puisses-tu longtemps encore être leur fils ! Toi aussi, digne épouse d’un si illustre époux, entends avec bonté la prière d’un suppliant ; que les dieux conservent ton époux ! qu’ils conservent ton fils et tes petits-fils, tes vertueuses brus avec les filles qui leur doivent le jour ! Que Drusus, enlevé à ta tendresse par la barbare Germanie, soit, de tous tes enfants, la seule victime tombée sous les coups du sort ! Que bientôt ton fils, revêtu de la pourpre triomphale, et, porté sur un char attelé de chevaux blancs, soit le courageux vengeur de la mort de son frère ! Dieux cléments, exaucez mes prières, mes vœux ! que votre présence ne me soit pas inutile ! Dès que César paraît, le gladiateur rassuré quitte l’arène, et la vue du prince est pour lui d’un grand secours. Que j’aie donc le même avantage, moi à qui il est permis de contempler ses traits et d’avoir pour hôtes trois divinités. Heureux ceux qui les voient elles-mêmes au lieu de leurs images ! heureux ceux à qui elles se manifestent ostensiblement ! Puisque ma triste destinée m’envie ce bonheur, j’adore du moins ces portraits que l’art a donnés à mes vœux. C’est ainsi que l’homme connaît les dieux cachés à ses regards dans les profondeurs du ciel ; c’est ainsi qu’au lieu de Jupiter il adore son image. Enfin, ne souffrez pas, ô vous mes divinités, que vos images, qui sont et qui seront toujours avec moi, restent dans un séjour odieux. Ma tête se détachera de mon corps ; mes yeux, volontairement mutilés, seront privés de la lumière, avant que vous me soyez ravis ! Ô dieux, chers à tous