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des dieux ! Et moi, au lieu de l’image de César, j’avais devant les yeux de grossiers Sarmates, un pays où la paix est inconnue, et une mer enchaînée par la glace. Si pourtant tu m’entends, si ma voix arrive jusqu’à toi, emploie tout ton crédit, toute ta complaisance, à faire changer mon exil. L’ombre éloquente de votre père, s’il lui reste encore quelque sentiment, te le demande pour moi, qui l’honorai dès ma plus tendre enfance. Ton frère aussi le demande, quoiqu’il craigne peut-être que ton empressement à m’obliger ne te soit nuisible ; toute ta famille enfin le demande, et toi-même tu ne pourrais pas nier que j’ai toujours fait partie de tes amis ; à l’exception de mes leçons d’amour, tu applaudissais souvent aux productions d’un talent dont je reconnais que j’ai mal usé. Efface les dernières fautes de ma vie, et ta maison n’aura point à rougir de moi. Puisse le bonheur être toujours fidèle à ta famille ! Puissent les dieux et les Césars ne point l’oublier dans leurs faveurs. Implore ce dieu plein de douceur, mais justement irrité, et prie-le de m’arracher aux régions sauvages de la Scythie. La tâche est difficile, je l’avoue, mais le courage aime les obstacles, et ma reconnaissance de ce bienfait en sera d’autant plus vive. Et cependant, ce n’est point Polyphème retranché dans son antre de l’Etna, ce n’est point Antiphate, qui doivent entendre tes prières. C’est un père bon et traitable, disposé à l’indulgence, qui souvent fait gronder la foudre sans la lancer, qui s’afflige de prendre une décision trop pénible, et qui semble se punir en punissant les autres. Cependant ma faute a vaincu sa douceur, et forcé sa colère à emprunter contre moi les armes de sa puissance. Puisque, séparé de ma patrie par tout un monde, je ne puis me jeter aux pieds des dieux eux-mêmes, ministre[1] de ces dieux, que tu révères, porte-leur ma requête, et appuie-la de tes ardentes prières. Cependant ne tente ce moyen que si tu n’y entrevois aucun danger ; pardonne-moi enfin, car, après mon naufrage, il n’est plus de mer qui ne m’inspire de l’effroi !


LETTRE III

À MAXIME

Maxime, toi dont les qualités distinguées répondent à la grandeur de ton nom, et qui ne permets pas que l’éclat de ton esprit soit éclipsé par ta noblesse, toi que j’ai honoré jusqu’au dernier moment de ma vie, car en quoi l’état où je suis diffère-t-il de la mort ? tu montres, en ne méconnaissant point un ami malheureux, une constance bien rare de nos jours. J’ai honte de le dire, et cependant convenons de la vérité du fait, le commun des hommes

  1. Il appelle sacerdos son intercesseur auprès des Césars, parce qu’il appelle ceux-ci superos.