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LETTRE I

À GERMANICUS CÉSAR

Le bruit du triomphe de César a retenti jusque sur ces plages, où le Notus n’arrive que d’une aile fatiguée. Je pensais que rien d’agréable ne pouvait m’arriver au pays des Scythes, mais enfin cette contrée commence à m’être moins odieuse qu’auparavant. Quelques reflets d’un jour pur ont dissipé le nuage de douleurs qui m’environne. J’ai mis en défaut ma fortune. César voulût-il me priver de tout sentiment de joie, celui-là du moins, il ne peut empêcher que tout le monde ne le partage. Les dieux eux-mêmes veulent lire la gaieté sur le front de leurs adorateurs, et ne souffrent pas la tristesse aux jours qui leur sont consacrés. Enfin, et c’est être fou que d’oser l’avouer, malgré César lui-même, je me réjouirai. Toutes les fois que Jupiter arrose nos plaines d’une pluie salutaire, la bardane tenace croît mêlée à la moisson. Moi aussi, herbe inutile, je me ressens de l’influence des dieux, et souvent, malgré eux, leurs bienfaits me soulagent. Oui, la joie de César, autant que je le puis, est aussi la mienne. Cette famille n’a rien reçu qui soit à elle seule. Je te rends grâce, ô Renommée ! à toi qui as permis au prisonnier des Gètes de voir par la pensée le pompeux triomphe de César ! C’est toi qui m’as appris que des peuples innombrables se sont assemblés pour venir contempler les traits de leur jeune chef, et que Rome, dont les vastes murailles embrassent l’univers entier, ne fut pas assez grande pour leur donner à tous l’hospitalité. C’est toi qui m’as raconté qu’après plusieurs jours d’une pluie continuelle, chassée du sein des nuages par l’orageux vent du midi, le soleil brilla d’un éclat céleste, comme si la sérénité du jour eût répondu à la sérénité qui apparaissait sur tous les visages. Alors, on vit le vainqueur distribuer à ses guerriers des récompenses