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dans quelle région se trouve Tomes. À peine ce lieu est-il connu des Gètes, ses voisins. Il ne s’inquiète pas de ce que font les Sarmates et les belliqueux Jazyges, et les habitants de cette Chersonèse-Taurique, si chère à la déesse enlevée par Oreste[1], et ces autres nations qui, tandis que l’Ister est enchaîné par les froids de l’hiver, lancent leurs coursiers rapides sur le dos glacé des fleuves. La plupart de ces peuples, ô Rome, ô ma belle patrie, ne s’occupent pas davantage de toi ; ils ne redoutent pas les armes des fils de l’Ausonie ; ils sont pleins de confiance dans leurs arcs, dans leurs carquois bien fournis, dans leurs chevaux accoutumés aux courses les plus longues ; ils ont appris à supporter longtemps la soif et la faim ; ils savent que l’eau manquerait, pour se désaltérer, à l’ennemi qui les poursuivrait. Non, César, ce dieu clément, ne m’eût jamais, dans sa colère, relégué au fond de cette terre maudite s’il l’eût bien connue ; il ne peut se réjouir qu’un Romain, que moi surtout, à qui il a fait grâce de la vie, soit opprimé par l’ennemi ; d’un signe il pouvait me perdre, il ne l’a pas voulu ; est-il besoin qu’un Gète soit plus impitoyable ?

Du reste, je n’avais rien fait pour mériter la mort, et Auguste peut être maintenant moins irrité contre moi qu’il ne le fut d’abord ; alors même, ce qu’il a fait, je l’ai contraint de le faire, et le résultat de sa colère ne surpassa point mon offense. Fassent donc les dieux, dont il est le plus clément, que la terre bienfaisante ne produise rien de plus grand que César, que les destinées de l’empire reposent encore longtemps sur lui, et qu’elles passent de ses mains dans celles de sa postérité ! Quant à toi, Maxime, implore, en faveur de mes larmes, la pitié d’un juge dont j’ai connu moi-même toute la douceur ; ne demande pas que je sois bien, mais mal et plus en sûreté ; que mon exil soit éloigné d’un ennemi cruel, et que l’épée du Gète sauvage ne m’arrache pas une vie que m’a laissée la clémence des dieux ; qu’enfin, si je meurs, mes restes soient confiés à une terre plus paisible, et ne soient pas pressés par la terre de Scythie ; que ma cendre, mal inhumée (comme est digne de l’être celle d’un proscrit), ne soit pas foulée aux pieds des chevaux de Thrace ; et si, après la mort, il reste quelque sentiment, que l’ombre d’un Sarmate ne vienne pas épouvanter mes mânes. Ces raisons, ô Maxime, pourraient, en passant par ta bouche, attendrir le cœur de César, si d’abord tu en étais touché toi-même. Que ta voix donc, je t’en supplie, que cette voix toujours consacrée à la défense des accusés tremblants, calme l’inflexibilité d’Auguste ; que ta parole, ordinairement si douce et si éloquente, fléchisse le cœur d’un prince égal aux dieux. Ce n’est pas Théromédon, ce n’est pas le sanglant Atrée, ni ce roi qui nourrit ses chevaux de chair humaine

  1. L’expression Oresteae deae pourrait faire croire qu’il s’agit ici d’Iphigénie, sœur d’Oreste, mais il s’agit de Diane adorée en Tauride, et dont Iphigénie était la prêtresse. Ovide appelle encore cette déesse (Mét., liv. XV, v. 489) Diana Orestea, parce qu’Oreste près d’être immolé par sa sœur, fut reconnu par elle, et tous deux quittèrent secrètement la Tauride en emportant la statue de Diane.