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peaux retentissantes; les cymbales remplacent les casques, et le tambour les boucliers; la flûte joue, comme auparavant, dans le mode phrygien."

[4, 215] Érato se lut; je repris: "Pourquoi les lions, ces bêtes farouches, courbant pour la première fois leurs têtes sous le joug, viennent-ils s'atteler au char de la déesse?" Je me tus; Érato reprit à son tour: "Ce fut Cybèle qui adoucit les moeurs féroces des hommes; son char est un symbole de ce bienfait." -"Mais pourquoi sa tête est-elle couronnée de tours à créneaux? [4, 220] Est-ce elle qui, la première, a donné des tours aux villes de Phrygie?"

Un signe de la muse m'apprit que j'avais deviné. "D'où vient, lui dis-je encore, cette rage de se mutiler soi-même." Je me tus, et la Piéride commença ainsi: "Au milieu des forêts, un enfant phrygien, d'une beauté remarquable, nommé Attis, inspira une chaste passion à la déesse couronnée de tours; [4, 225] elle voulut se l'attacher pour toujours, et lui confier la garde de ses temples. "Conserve toujours, lui dit-elle, ta pureté d'enfant." Attis promit d'obéir. "Si je manque à ma promesse, dit-il, que ma première faiblesse soit mon dernier plaisir." Il succomba cependant, et cessa d'être enfant dans les bras de la nymphe Sangaris. [4, 230] La déesse, irritée, veut se venger. L'arbre de la naïade tombe sous les coups de Cybèle; la naïade ne faisait qu'un avec l'arbre: elle périt avec lui. La raison du jeune Phrygien s'égare; croyant que le toit de sa demeure va s'écrouler, il prend la fuite, et gagne les plus hauts sommets du Dindyme. [4, 235] "Éloignez ces flambeaux! s'écrie-t-il, éloignez ces fouets!" Souvent il jure que les furies de Paleste sont à ses côtés; il se déchire le corps avec une pierre sanglante, et sa longue chevelure traîne au milieu d'une impure poussière. "C'est bien, dit-il; que mon sang coule pour expier ma faute; [4, 240] périsse cette partie de moi-même qui est cause de mon malheur." Et, avant d'avoir achevé ces paroles, il se frappe à l'aine, et toute trace de virilité a disparu. C'est cet acte de fureur qu'imitent les ministres efféminés de Cybèle, quand, les cheveux épars, ils retranchent avec le fer ce membre qu'ils méprisent." [4, 245] Ainsi la muse d'Aonie, à la voix mélodieuse, leva tous mes doutes sur la cause de ces violences.

"Permets-moi encore une demande, ô toi qui viens de dicter mes vers: dis-moi quelles contrées Cybèle a quittées à notre prière, ou bien si elle a toujours habité notre cité." - "La mère des dieux a toujours chéri le Dindyme, le Cybèle [4, 250] et l'Ida aux sources murmurantes, et la riche cité d'Ilion. Lorsque Énée transporta aux champs de l'Italie tout ce qui restait de Troie, peu s'en fallut que la déesse ne suivît les vaisseaux qui avaient recueilli les choses sacrées; mais elle savait que les destins ne l'appelaient pas encore au Latium, et elle ne changea pas de séjour.

[4, 255] Plus tard, lorsque Rome, déjà puissante, eut compté trois siècles de durée, et levé sa tête au-dessus de l'univers conquis,