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bords ses dieux arrachés aux flammes de Troie. Un de ses compagnons d'exil était Solymus, qui dit adieu avec lui à l'Ida de Phrygie, [4, 80] et vint donner son nom à la ville de Sulmo, la froide Sulmo, notre patrie commune, ô Germanicus. Hélas! qu'on est loin de la Scythie! Est-ce donc bien vrai que j'en suis si loin? Mais, ô ma muse, étouffe tes soupirs; la lyre ne doit pas gémir au milieu des chants sacrés.

[4, 85] À quoi ne s'attaque pas l'envie! on a voulu, ô Vénus, te disputer, te ravir l'honneur de présider à ce mois. Parce que tout s'ouvre alors aux haleines du printemps, parce que le froid, qui resserre tout, se voit désarmé de ses rigueurs, et que la terre fécondée enfante, ils prétendent qu'Avril a emprunté son nom à cet épanouissement universel des choses; [4, 90] mais la toute puissante Vénus étend sa main sur ce mois, et le revendique.

Auguste déesse, elle commande au monde entier; nulle divinité ne peut se glorifier d'avoir un plus vaste empire; elle dicte ses lois au ciel, à la terre, à la mer qui fut son berceau: toutes les espèces se rapprochent et s'unissent à sa voix; [4, 95] elle a créé tous les dieux, qu'il serait trop long d'énumérer ici; elle développe le germe des arbres et des moissons; elle a rassemblé, dans l'enceinte commune des cités, les hommes auparavant farouches ennemis; elle a mené l'un vers l'autre les sexes qui se cherchaient. Qui reproduit toute la race des oiseaux, si ce n'est l'attrait du plaisir? [4, 100] Otez-leur l'amour folâtre, et les troupeaux ne multiplieront plus; le bélier menaçant lutte avec le bélier, et le frappe de ses cornes, mais il craindrait de blesser au front la brebis qu'il aime; le taureau, la terreur des bois et des clairières, oublie sa férocité pour suivre la génisse. [4, 105] La même force conserve tout ce qui vit dans l'immense Océan, et peuple les eaux d'innombrables poissons.

Vénus, la première, apprit à l'homme à se dépouiller de son extérieur sauvage, et lui enseigna le soin de lui-même et la propreté. Les premiers vers, dit-on, furent chantés par un amant sur le seuil d'une porte inexorable, [4, 110] pendant les longues heures d'une nuit refusée à ses plaisirs. Fléchir une maîtresse cruelle, tel fut le premier triomphe de la parole; chacun s'efforça d'être éloquent dans sa propre cause. Vénus est la mère des arts, et c'est au désir de plaire qu'on doit mille inventions jusqu'alors inconnues.

[4, 115] Qui oserait donc la déposséder du nom qu'elle a donné au second mois? Loin de nous cette audace insensée! Puissante partout, partout dotée de temples innombrables, c'est dans notre ville qu'elle doit s'attendre à plus de respects. C'est pour vous, Romains, pour les Troyens, vos pères, que combattait Vénus, [4, 120] quand le fer d'un javelot fit à sa main délicate une douloureuse blessure. Ce fut un juge troyen qui la proclama la plus belle entre trois déesses; puissent les deux autres oublier ce souvenir! Enfin elle s'unit au petit-fils