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puis, déposant sur ses bords des coupes pleines d'un vin parfumé, il se cache au fond d'une grotte, avec tous ceux qui l'ont accompagné.

Les deux divinités champêtres viennent à la fontaine à l'heure accoutumée; le vin coule à flots dans leurs gorges altérées. [3, 305] L'ivresse amène le sommeil; Numa sort de l'antre frais, et des liens étroits assujettissent les mains captives de Faunus et de Picus. À leur réveil, ils s'efforcent de rompre ces entraves; mais ces efforts même ne servent qu'à en resserrer les noeuds. "Dieux de ces forêts, s'écrie Numa, pardonnez à mon audace; [3, 310] un attentat sacrilège est bien loin de ma pensée. J'ai voulu apprendre de vous à conjurer les présages sinistres de la foudre."

Ainsi parla Numa; ainsi lui répondit Faunus, en secouant son front cornu: "Tu demandes beaucoup, et ce n'est pas à nous qu'il appartient de révéler un tel mystère; notre pouvoir a ses limites. [3, 315] Nous sommes des dieux champêtres, et ne régnons que sur les cimes de ces montagnes; la foudre n'obéit qu'à Jupiter. Seul tu ne saurais la faire descendre du ciel; peut-être le pourras-tu, aidé de notre secours." Ainsi parla Faunus, et Picus approuva ses paroles. [3, 320] "Cependant, ajouta Picus, délivre-nous de ces liens. Par de puissants enchantements, nous appellerons ici Jupiter; je te le promets, je te le jure par les sombres vapeurs du Styx." Ce que firent les dieux, libres de leurs liens, quels vers magiques ils prononcèrent, et comment ils firent descendre Jupiter des célestes demeures, [3, 325] nul mortel ne peut le savoir; il est des mystères interdits à mes chants, et je dirai seulement ce que peut dire sans crime un poète religieux. À leur voix, tu sortis du ciel, ô Jupiter; et c'est pour cela que les générations qui suivirent t'adorèrent sous le nom de Jupiter Elicius.

On rapporte que les forêts tremblèrent sur les sommets de l'Aventin, [3, 330] et que la terre s'affaissa sous le poids du maître de l'Olympe. Le coeur du roi battait avec violence; son sang troublé se refoulait dans ses veines; ses cheveux s'étaient dressés sur son front. Revenu à lui: "Roi et père des grands dieux, s'écria-t-il, [3, 335] si la main qui touche tes autels est innocente, si la voix qui t'implore est pieuse, je t'en supplie, quand la foudre nous apporta tes menaces, enseigne-nous à les conjurer." Jupiter accueille sa prière; mais il lui laisse la vérité à chercher sous des équivoques subtiles, et ses paroles à double sens effraient de nouveau le roi. "Coupe une tête. - J'obéirai, dit le roi; [3, 340] je couperai celle d'un oignon arraché dans nos jardins. - Je veux celle d'un homme. - Vous en aurez les cheveux. - Il me faut une âme. Eh bien! l'âme d'un poisson. - Soit, dit Jupiter en souriant, que ce soient donc là les offrandes expiatoires. O mortel, digne de converser avec un dieu! [3, 345] demain, lorsque le disque de