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de l'accouchement. Que toute femme enceinte, les cheveux épars, vienne supplier Lucine de la délivrer doucement du fardeau qu'elle porte dans son sein."

Qui me dira maintenant pourquoi les Saliens portent [3, 260] les armes de Mars, présent tombé du ciel, pourquoi ils chantent Mamurius? Inspire-moi, Égérie, c'est de toi que je vais parler, divine épouse de Numa, toi dont il allait chercher les entretiens mystérieux sur les bords du lac de Diane, et au fond de ses bois sacrés! Dans la vallée d'Aricie, entourée d'une épaisse forêt, il est un lac, objet d'un culte antique. [3, 265] C'est là qu'Hippolyte a disparu, déchiré par ses coursiers furieux: aussi nul cheval ne pénètre plus dans cette forêt. C'est là qu'on voit des bandelettes suspendues le long des buissons, et plus d'un tableau votif y raconte les bienfaits de la déesse. Souvent, ses prières exaucées, une femme, le front couronné de fleurs, [3, 270] vient ici de Rome avec des torches allumées. Dans cette forêt règne le plus brave au combat et le plus agile à la course; mais, pour régner, il a donné la mort; son successeur lui donnera la mort un jour. Là, on entend le murmure confus d'un ruisseau coulant sur un lit de cailloux; on peut s'y désaltérer souvent, mais jamais à longs traits. [3, 275]

C'est à Égérie qu'appartiennent ces ondes: Égérie, nymphe chérie des Muses, l'épouse et l'oracle de Numa. C'était le temps où il fallait enfin soumettre au frein de la justice et retenir par la crainte des dieux ces Romains toujours prêts à saisir les armes; les lois sont proclamées et remplacent le droit du plus fort; [3, 280] alors les divinités des ancêtres deviennent l'objet d'un culte solennel. La barbarie disparaît peu à peu; l'équité succède à la violence; le citoyen rougit de combattre contre un citoyen, et tel qui, furieux, allait assouvir sa colère, s'apaise soudain, à l'aspect de l'autel, et vient jeter sur la flamme le vin, le sel et le froment.

[3, 285] Mais voici que le maître des dieux lance ses traits de feu à travers les nuages; du haut des cieux épuisés, des torrents de pluie tombent sur la terre. Jamais la foudre n'a frappé à coups si pressés; le roi tremble; le peuple est consterné. "Ne crains rien, lui dit la déesse; on peut conjurer les présages sinistres de la foudre, [3, 290] et fléchir le courroux terrible de Jupiter. C'est Picus ou Faunus, génies tutélaires du sol romain, qui vous révéleront les rites expiatoires. Mais ils ne céderont pas sans résister; il faut les saisir et les charger de chaînes." En même temps, elle lui indique le moyen de les surprendre.

[3, 295] Il y avait, au pied de l'Aventin, un bois où le sombre feuillage des chênes entretenait une nuit éternelle: on ne pouvait y entrer sans s'écrier: "Ici il y a des dieux!" Au milieu étaient des tapis de gazon; un ruisseau d'eau vive sortait des flancs d'un rocher tout tapissé de verte mousse. Faunus et Picus étaient presque les seuls qui pussent y boire. [3, 300] Numa pénètre en ces lieux; il immole une brebis à la fontaine;