Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/606

Cette page n’a pas encore été corrigée

dis-moi pourquoi les dames romaines célèbrent ta fête. Mars, après avoir déposé son casque, mais gardant encore un javelot à la main, me répondit en ces termes : "Voici la première fois qu'on m'invite, moi, le dieu de la guerre, à prendre part à ces délassements qui charment les loisirs de la paix; c'est un camp nouveau pour moi que celui où tu m'appelles; [3, 175] j'y viendrai cependant sans répugnance, et je saurai y jouer mon rôle, afin que Minerve ne se croie pas seule souveraine dans l'empire des arts. Je t'apprendrai, chantre laborieux de l'année latine, ce que tu désires connaître: que mes paroles restent gravées dans ta mémoire.

"C'était d'abord peu de chose que Rome, si l'on porte les yeux sur son berceau; [3, 180] mais elle était grande de tout son avenir. L'enceinte de ses murailles naissantes, qui devait être trop étroite un jour, semblait trop vaste alors pour les premiers habitants. Si tu me demandes ce qu'était le palais de mon fils, je te montrerai cette cabane de roseau et de chaume. [3, 185] C'est là qu'il reposait paisiblement sur la paille; mais de ce lit, il est monté aux cieux." "Déjà le nom des Romains était redouté bien au-delà de leur territoire, et partout ils avaient été refusés comme gendres et comme époux. [3, 190] C'est en vain qu'ils m'appelaient leur père; des voisins opulents les méprisaient et les repoussaient à cause de leur pauvreté; on leur reprochait d'avoir vécu dans les étables, d'avoir mené paître les troupeaux, et de ne posséder qu'une médiocre étendue de terrains encore en friche. Les oiseaux, les animaux sauvages, s'accouplent avec leurs pareils; le serpent trouve avec qui reproduire sa race; [3, 195] aux extrémités les plus reculées du monde, il n'est point de nations qui ne s'unissent par les mariages; aux Romains seuls des épouses étaient refusées."

"Irrité, moi-même, j'animai Romulus du courroux de son père. Cesse de t'abaisser aux prières, lui dis-je; les armes te donneront ce que tu as demandé sans l'obtenir. Prépare une fête au dieu Consus; Consus achèvera le récit [3, 200] de ce qui se passa en ce jour, quand le moment d'expliquer son culte sera venu."

"Les peuples de Cures et tous ceux qui ont à venger le même affront sont transportés de fureur. Pour la première fois, on voit le beau-père prendre les armes contre son gendre. Mais la guerre entre si proches voisins ne commença pas sur-le-champ; et, quand elle éclata, les vierges qu'on avait enlevées étaient devenues mères. [3, 205] Elles se réunissent dans le temple de Junon, et l'épouse de mon fils, se plaçant au milieu d'elles, parla ainsi: "Nous, que la même violence a soumises à la même destinée, pouvons-nous rester plus longtemps dans une coupable indifférence? Deux armées vont en venir aux mains. Pour quel parti demanderons-nous aux dieux la victoire? [3, 210] D'un côté sont nos époux, et de l'autre nos pères. Veuves sans les uns, orphelines sans