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Toutefois, Mars dès longtemps occupait le premier rang parmi les divinités du Latium; [3, 80] un tel culte plaisait à ces peuplades belliqueuses. Pallas est adorée chez les enfants de Cécrops, Diane chez les Crétois de Minos, Vulcain dans l'île où régna Hypsipyle, Junon à Sparte et à Mycènes, royaume des Pélopides, enfin le dieu couronné de pin sur les sommets du Ménale. [3, 85] Mars était adoré dans le Latium, parce qu'il préside à la guerre; pour cette nation farouche, dans la guerre seule était la gloire et la puissance. Parcourons un moment les fastes de nos voisins, nous y trouverons aussi un mois portant le nom de Mars. C'était le troisième chez les Albains, le cinquième chez les Falisques, [3, 90] le sixième dans le pays des Herniques. La ville d'Aricie, la ville qui doit ses hauts remparts à Télégonus, comptent toutes deux le temps comme les Albains; chez les Laurentins, ce même mois a la cinquième place, la dixième chez le rude Équicole, la quatrième chez les habitants de Cures, [3, 95] la quatrième encore chez le Pélignien, toujours armé, qui suivait en cela les usages des Sabins, ses ancêtres.

Ainsi tous ces peuples avaient consacré à Mars un de leurs mois; Romulus fit plus pour honorer l'auteur de ses jours, il voulut que ce mois fût le premier de l'année.

Autrefois aussi, on ne comptait pas autant de Calendes qu'aujourd'hui. [3, 100] L'année de nos pères avait deux mois de moins que la nôtre. O Grèce, tu n'avais pas encore apporté les arts en tribut à tes vainqueurs! Tu savais bien dire, mais le courage te manqua sur les champs de bataille. ÊEtre brave à la guerre, c'était là toute la science des Romains; lancer un javelot, c'était là toute leur éloquence. [3, 105] Connaissaient-ils les Hyades et les Pléiades, filles d'Atlas? S'étaient-ils jamais aperçus que l'axe du monde a deux pôles; qu'il y a également deux Ourses: l'une, Cynosure, suivie par les Sidoniens; l'autre, Hélicè, guide des pilotes grecs; enfin, qu'il faut un an au soleil pour parcourir les signes célestes, [3, 110] tandis qu'en un seul mois le char de sa soeur les a tous visités? Libres dans leur course, les astres achevaient leurs révolutions sans être observés; toutefois on s'accordait à y voir des dieux. Il n'y avait d'autres constellations pour les Romains que les étendards militaires; celui qui les abandonnait commettait un grand crime. [3, 115] Ce n'était pourtant qu'une gerbe de foin; mais elle n'était pas moins respectée alors que nos aigles d'argent ne le sont aujourd'hui. Cette gerbe (maniplus), on la portait au haut d'une longue perche; de là le nom de manipuIaire donné au soldat.

Ainsi il manquait toujours dix mois au lustre [3, 120] que célébraient ces hommes ignorants et sans culture; l'année était finie dès que la lune avait renouvelé dix fois son croissant; ce nombre prévalait alors, soit parce que nos doigts nous