Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/597

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tu sers de limite entre les peuples, les cités, les royaumes; [2, 660] sans toi, le moindre coin de terre enfanterait des querelles éternelles. Impartial entre tous, incorruptible, tu es le gardien saint et sûr des champs que l'on t'a confiés. Si tu avais marqué autrefois les bornes du territoire de Thyrée, trois cents guerriers n'auraient pas péri; [2, 665] Othryadès n'aurait pas écrit son nom sur un trophée d'armes, amoncelées avec ce sang dont il voulut donner jusqu'à la dernière goutte à sa patrie!

Et lorsqu'on jeta les fondements du Capitole, lorsque toutes les divinités adorées en ce lieu se retirèrent pour faire place à Jupiter, Terminus, au récit des historiens, sourd à la voix des augures qui l'entouraient, [2, 670] resta immobile dans l'enceinte sacrée, et partagea la demeure du souverain des dieux. Maintenant même, afin qu'il n'aperçoive que le ciel au-dessus de lui, on a laissé, à la voûte du temple, une légère ouverture. Après cela, ô Terminus, l'immobilité est pour toi désormais une loi absolue; reste ferme et inébranlable au lieu où tu te seras une fois assis; [2, 675] que les prières des voisins te trouvent inflexible. Ferais-tu pour un simple mortel ce que tu n'as pas fait pour Jupiter? Si tu te sens heurté par les hoyaux ou les charrues, crie aussitôt: "Arrêtez, ceci est mon champ, ceci est le vôtre." Sur le chemin qui conduit dans les campagnes de Laurentum, [2, 680] où jadis descendit le chef des Troyens, et devant la pierre même du sixième milliaire, on offre sur ton autel les entrailles d'une brebis à l'épaisse toison. Les autres peuples ont des limites qu'ils ne doivent pas franchir: l'empire romain ne finit qu'où finit l'univers.

[2, 685] Je dois redire maintenant l'expulsion des rois; c'est là le souvenir que rappelle, par son nom même, le sixième jour avant la fin du mois.

Tarquin régnait à Rome; il ne devait pas avoir de successeurs. Injuste, mais brave, il avait conquis ou détruit nombre de villes; [2, 690] une honteuse trahison l'avait rendu maître de Gabies. Le plus jeune de ses trois enfants, digne fils de celui qu'on appelait le Superbe, au milieu d'une nuit silencieuse, pénètre chez les ennemis; à l'instant mille épées se lèvent sur sa tête. "Frappez, dit-il, je suis sans armes; mes frères vous rendront grâces, ainsi que Tarquin mon père, [2, 695] qui a couvert mon corps de ces cruelles cicatrices;" et en parlant ainsi il montrait les traces des blessures que lui-même s'était faites. Il avait dépouillé ses vêtements, et les ennemis, à la clarté de la lune, découvrant le dos du jeune homme tout sillonné d'empreintes sanglantes, remettent leurs épées dans le fourreau; ils pleurent et le conjurent de combattre désormais dans leurs rangs; [2, 700] le fourbe accepte, s'applaudissant de leur simplicité. Quand son crédit s'est affermi, il dépêche à son père un homme dévoué, et lui demande comment Gabies pourra être remise entre ses