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azurée doit s'ouvrir pour un de mes deux enfants; tu me l'as promis: que la promesse de Jupiter s'accomplisse." Jupiter incline son front, [2, 490] les deux pôles en tremblent, et Atlas fléchit sous le poids du ciel ébranlé.

Il est un lieu que les anciens appelaient le marais de la Chèvre. Un jour que Romulus y dictait des lois à son peuple naissant, le soleil se voile tout à coup, des nuages rapides dérobent de tous côtés l'aspect du ciel, la pluie tombe par torrents, [2, 495] la foudre retentit, des éclairs sillonnent les airs, tout fuit; cependant Romulus montait aux cieux sur le char de son père. Le peuple, dans sa douleur, accusait les sénateurs d'un meurtre; et peut-être n'auraient-ils pu se laver de cet odieux soupçon sans Julius Proculus. Celui-ci revenait d'Albe-la-Longue; [2, 500] la clarté de la lune était le seul flambeau qui guidât ses pas; tout à coup il entend les nuages s'entrechoquer à sa gauche avec fracas; il recule effrayé, ses cheveux se dressent sur sa tête: Romulus lui apparaît, debout, au milieu du chemin; une beauté céleste est répandue sur ses traits; sa taille dépasse celle des mortels; il est revêtu de la trabée: [2, 505] "Que les Quirites, dit-il, cessent de me pleurer: je suis au rang des dieux, et ces larmes m'offensent; qu'on m'offre de l'encens, qu'une foule pieuse m'adore sous le nom de Quirinus; que les Romains excellent à la guerre, et qu'on reconnaisse toujours en eux les enfants de Romulus." Il dit, et l'apparition se dissipe dans le vide des airs. [2, 510] Proculus assemble le peuple et lui annonce les volontés de Romulus. Un temple s'élève pour le nouveau dieu; une colline reçoit son nom, et, chaque année, le même jour ramène la fête du père des Romains.

Mais d'où vient que ce même jour est aussi appelé la Fête des Sots? L'origine de ce nom burlesque n'est guère plus sérieuse que le nom même. [2, 515] Nos anciens laboureurs étaient hommes de peu de science; toujours tenus en haleine par des guerres opiniâtres, ils attachaient plus de prix à l'épée qu'au soc recourbé de la charrue: le champ mal cultivé rendait peu à son maître. Toutefois on semait, on récoltait le froment, [2, 520] et, la moisson abattue, on en offrait les prémices à Cérès. Instruits par l'expérience, ils torréfiaient le grain; mais plus d'une fois, et par leur faute, ils avaient à déplorer des accidents funestes: tantôt, au lieu de froment, ils ne retrouvaient plus qu'une cendre noire; tantôt le feu gagnait leurs propres demeures.

[2, 525] Vint la déesse Fornax, qui préside aux fours. Joyeux de cette invention, les laboureurs la supplient de veiller elle-même à la cuisson du grain. Aujourd'hui, le chef des Curions annonce, avec les paroles consacrées, quel jour on devra célébrer la fête dite des Fornacalia, que ne ramène pas, chaque année, une époque invariable. De tous côtés sont suspendues, dans le Forum, des tablettes [2, 530] où chaque citoyen reconnaît le signe auquel sa curie se rallie pour le