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fléchirait sous le fardeau d'un sujet si sublime, et que le vers héroïque seul pouvait dignement le soutenir!

Entends ces acclamations du peuple, du sénat, de nous autres chevaliers; voici que tous te proclament père sacré de la patrie! Tu l'étais en effet, et tu n'avais pas attendu pour cela le titre que te donnent nos tardifs hommages; [2, 130] depuis longtemps tu servais déjà de père à l'univers. Tu ne seras pas appelé autrement ici-bas que Jupiter ne l'est dans l'Olympe: tu es le père des hommes, s'il est le père des dieux.

Tu es surpassé, ô Romulus; Rome s'est agrandie et fortifiée sous la protection de César; d'un saut Rémus put franchir les murailles dont tu l'avais entourée. [2, 135] Tu as soumis Tatius, Caenina et la petite ville de Cures; depuis que César nous commande, le soleil se lève et se couche dans l'empire romain. Je ne sais quel petit coin de terre tu possédais par droit de conquête: tout ce qui est sous la voûte des cieux appartient à César. Tu n'es qu'un ravisseur, et lui veille à la chasteté de nos épouses; [2, 140] tu offres aux criminels un asile et l'impunité, lui les repousse et les châtie; tu te plais dans la violence, il fait fleurir les lois. Tu prends le titre de maître, il se contente de celui de prince; le sang d'un frère crie contre toi, et lui pardonne à ses ennemis mêmes; c'est ton père qui t'a placé, c'est lui qui a placé son père au rang des immortels.

[2, 145] L'enfant de l'Ida commence à paraître à l'horizon, et nous verse une eau pure mêlée de nectar. Celui que faisait frissonner naguère le souffle de Borée se livre à la joie; la tiède haleine des zéphyrs a réchauffé les airs.

Cinq fois l'étoile du matin a élevé au-dessus des ondes sa tête brillante, [2, 150] et nous sommes entrés dans le printemps. Prenez garde, pourtant: l'hiver n'a pas épuisé toutes ses rigueurs, et il doit, en se retirant, laisser encore après lui de cruelles blessures.

Trois nuits après, les deux pieds du Gardien de l'Ourse se montreront à vos yeux. [2, 155] Parmi les Hamadryades, parmi les nymphes qui forment le cortège de Diane chasseresse, était la nymphe Callisto. Un jour posant sa main sur l'arc de la déesse, "Je te prends à témoin, dit-elle, de ma virginité." Diane applaudit et lui adresse ces paroles: "Si tu es fidèle à ton serment, [2, 160] tu seras la première entre toutes mes compagnes." Callisto aurait tenu son serment, si elle eût été moins belle. Elle se défendit des mortels; elle fut coupable avec Jupiter.

Un jour, à l'heure où le soleil a dépassé à peine la moitié de sa carrière, Phébé revenait d'une chasse meurtrière au sein des forêts. [2, 165] Elle entre dans un bois sacré; c'était un bois de chênes au sombre feuillage, et, au milieu, on voyait briller dans leur bassin profond les eaux d'une fraîche fontaine: "Baignons-nous ici, vierge de Tégée," dit la déesse; et ce nom de vierge fait rougir celle qui ne le méritait déjà