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peuplades [1, 390] qui habitent au milieu des neiges de l'Hémus, jeter les entrailles des chiens sur l'autel de la triple Hécate. On sacrifie l'âne au gardien sévère des campagnes; pourquoi? L'histoire en est un peu licencieuse; mais c'est du dieu Priape qu'il s'agit.

La Grèce célébrait la fête du dieu couronné de lierre, que ramène l'hiver tous les trois ans; [1, 395] les dieux amis de Bacchus s'y étaient rendus, avec tous les dieux amis de la joie, les Pans, la troupe lascive des Satyres, les nymphes qui habitent les fleuves et les campagnes solitaires, et le vieux Silène, lourdement assis sur son âne qui ploie, [1, 400] et le dieu peint en rouge, dont les nudités épouvantent les timides oiseaux. Les ombrages d'une forêt prêtaient un nouveau charme au festin; des lits de gazon avaient reçu les convives, et chacun d'eux s'était couronné de feuillage. Bacchus fournissait le vin; près de là coulait un ruisseau; mais les buveurs usaient sobrement de ses ondes. [1, 405] Les naïades étaient debout; les unes laissaient flotter librement leur chevelure, les autres, d'une main savante, l'avaient disposée avec art autour de leur front. Celle-ci, pour servir les convives, a relevé sa tunique au-dessus du genou; celle-là écarte les voiles qui cachaient son sein; l'une découvre son épaule, l'autre traîne sur les gazons son vêtement qui s'est détaché; [1, 410] aucun lien n'enchaîne leurs pieds délicats. C'est ainsi qu'elles embrasent des plus doux feux le coeur des Satyres. Quelques-unes s'attaquent au dieu dont les tempes sont ornées d'un rameau de pin; d'autres viennent réveiller en toi les brûlants désirs, ô Silène; rien chez toi n'a pu les éteindre encore, et tu ne veux pas vieillir pour les larcins de l'amour. [1, 415] Mais le rubicond Priape, l'ornement et la défense de nos jardins, parmi tant de beautés, ne voit que la beauté de Lotis; il la convoite, il l'appelle de ses voeux; pour elle seule il soupire; mille gestes, mille mouvements de tête expriment son ardeur impatiente; mais les belles sont orgueilleuses: la fierté suit la beauté, [1, 420] et Lotis laisse assez voir son dédain pour cet amant ridicule. La nuit vient; vaincus par l'ivresse, les dieux sont étendus çà et là, et s'abandonnent au sommeil. Fatiguée de ses jeux folâtres, Lotis repose à l'écart sur l'herbe touffue, sous un bosquet d'érables. [1, 425] Priape se lève, et retenant son souffle, et de son pied effleurant à peine la terre, il s'avance doucement et sans bruit. Arrivé vers la retraite où dort la belle nymphe, il voudrait ne pas respirer, de peur que son haleine ne la réveille. Déjà il se balance près d'elle; il touche à son lit de gazon, [1, 430] et cependant elle reste profondément assoupie. Transporté de joie, il soulève le voile qui couvre les pieds de Lotis, et, au moment où une route charmante va le conduire au terme de ses voeux, ô contretemps fatal! on entend braire soudain la rauque monture de Silène. [1, 435] La nymphe effrayée se lève;