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se débat quelque temps, les élargit, s’échappe, et fait, par l’exemple qu’elle donne, le désespoir du pêcheur.

Le paresseux polype, au contraire, à l’aide des suçoirs dont son corps est couvert, s’attache aux rochers, et met ainsi les filets en défaut. Il change à son gré de couleur, et prend celle des lieux où il se trouve. II saisit avec avidité l’appât suspendu à la ligne; mais, dès qu’il se sent enlevé avec elle, il écarte ses bras et lâche adroitement l’hameçon qu’il a dépouillé de l’amorce. Le muge frappe de sa queue l’appât, le détache et l’avale. Le loup, devenant furieux, se débat en tous sens, suit les flots qui l’entraînent, et secoue fortement la tête, jusqu’à ce qu’il ait élargi sa blessure et rejeté de sa gueule béante le fatal hameçon. La murène n’ignore pas non plus le pouvoir de ses armes. Elle sait mordre la ligne avec force, et, captive, elle sent redoubler son menaçant courage. L’anthias fait mouvoir l’épine dont son dos est armé : il en connaît la force ; jetant son corps à la renverse, il coupe la ligne, et dévore l’appât qui s’y trouvait fixé.

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Quant aux habitants des forêts, ils suivent toujours ou l’impulsion d’une vaine terreur ou l’instinct d’une audace aveugle qui les précipite au devant des dangers. C’est la nature qui porte ceux-ci à fuir, ceux-là à combattre. Le lion intrépide brave le nombre des chasseurs, et présente sa poitrine aux traits dirigés contre elle. Il sent croître, en même temps que le danger, sa confiance et son audace. Il secoue sa crinière ; la colère ajoute à ses forces. Il s’élance, et son courage ne fait que hâter sa mort.

L’ours hideux, qui se traîne du fond des antres de Lucanie, qu’est-ce autre chose qu’une masse inerte, stupide et féroce ? Serré de près, le sanglier signale sa colère en hérissant ses soies ; il se précipite en avant, se roule sur la blessure que lui a faite le fer de son ennemi, et meurt lorsque l’arme a traversé son corps de part en part.

Les autres animaux, se fiant à leurs pieds, fuient devant le chasseur : tels sont et le lièvre peureux et le daim au poil roux, et le cerf agité d’une peur qui ne le quitte jamais.

C’est la nature qui porte ceux-ci à fuir, ceux-là à combattre.

Parmi les animaux au cœur généreux, il faut donner le premier rang au cheval ; car il ambitionne la palme et s’enorgueillit du triomphe. Sept fois il a parcouru le cirque, il est vainqueur ; voyez avec quelle majesté il dresse sa tête altière, et se prête aux applaudissements de la foule ! Sa croupe est-elle ornée de la peau du lion qu’il a terrassé, quel orgueil ! Quelle noble fierté dans son allure, quand, à son retour, il frappe la terre de son pied superbe, et qu’il porte les dépouilles enlevées à l’ennemi !